La diplomatie togolaise a marqué le pas ces dernières années, à travers diverses actions menées par le Patron dudit département le Prof. Robert DUSSEY. Dans une interview, le Prof. Robert DUSSEY dresse le bilan des activités menées en 2015 et annonce pour 2016, les perspectives du Ministère des Affaires étrangères, de la coopération et de l’Intégration africaine. Lisez.
Bonjour Professeur Robert DUSSEY. L’année qui s’achève est l’occasion pour nous de dresser avec vous le bilan des nombreuses actions menées au Ministère des Affaires étrangères, de la coopération et de l’Intégration africaine. Alors, 2015 fut une année ordinaire ou difficile pour la diplomatie togolaise ?
Merci pour le regain d’intérêt que vous portez à la diplomatie togolaise.
Chaque année est un défi pour nous, particulièrement en ce qui concerne la stabilité et le développement socio-économique de notre pays. Au Ministère des Affaires étrangères, de la coopération et de l’Intégration africaine, nous sommes persuadés que la passion du travail, la culture de l’excellence et la quête de l’efficience sont des valeurs cardinales. Nous nous efforçons de les incarner dans nos activités quotidiennes.
Pour récapituler, l’année 2015 a été marquée dans notre pays, par l’organisation de l’élection présidentielle. Une parfaite organisation qui a débouché sur un scrutin paisible et démocratique avec un bon encadrement des observateurs internationaux.
Ensuite, nous avons continué sur la lancée d’une diplomatie axée sur le développement économique à travers le renforcement de la coopération avec nos partenaires traditionnels et surtout la conquête de nouveaux partenaires.
Dans cette optique, nous avons menées de concert avec la Chambre du Commerce et d’Industrie du Togo (CCIT) des missions économiques dans divers pays, notamment au Maroc, en Thaïlande, en Australie, au Brésil. Ces missions ont permis de présenter aux investisseurs étrangers des opportunités d’affaires au Togo.
En dehors de cette offensive économique, notre carte diplomatique s’est agrandie, d’une part, avec l’établissement des relations diplomatiques avec le Kirghizstan, le Sri Lanka, les Iles Seychelles et le Chili, l’ouverture de deux nouvelles représentations diplomatiques, en l’occurrence en Afrique du Sud, au Maroc et au Brésil, d’autre part. Ces ouvertures s’inscrivent dans une dynamique de consolidation de notre présence au Maghreb et en Afrique australe. Parallèlement à l’ouverture de ces nouvelles Ambassades, nous avons procédé au renforcement des Missions existantes en personnel pour mieux répondre aux besoins en ressources humaines qualifiées que requiert la mise en œuvre de la diplomatie économique.
L’année 2015 a été également marquée au sein de mon Département par les préparatifs du Sommet extraordinaire de l’Union africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes et le Développement en Afrique. Nous avons, en ce sens, organisé à New York, en marge des travaux de la 70ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, un événement parallèle qui a mobilisé beaucoup de pays et partenaires. Présidé par le Chef de l’Etat, cet événement parallèle a suscité l’adhésion de la communauté internationale pour l’organisation du Sommet et a permis de réaffirmer son engagement à lutter contre la piraterie et à œuvrer pour une meilleure gestion du phénomène de l’immigration clandestine.
Ce fut une intense année d’actions fructueuses !
Vous êtes si entreprenant que vous avez l’appui des partenaires. Quel est l’état actuel de la coopération bilatérale et multilatérale ? En êtes-vous satisfait ?
Ecoutez, nos partenaires sont sensibles aux progrès accomplis par le Togo. Sur le plan de la coopération bilatérale, tout va bien. La Chine, l’Allemagne, la France, les USA, le Japon, l’Inde, l’Egypte, la Corée du sud, entre autres, appuient le Togo dans divers domaines tels que le commerce, l’éducation, la santé, la décentralisation, les transports, le secteur privé, la société civile.
Avec le Royaume de Thaïlande et la République d’Arménie, nous avons signé des accords qui nous permettront d’étendre nos domaines de coopération dans l’intérêt de nos populations.
De multiples projets ont fait l’objet de signature d’accords, à l’instar du « African Training and Management Services » pour le développement du secteur privé et celui de la construction de deux ponts en l’occurrence à Kara et à Koumongou.
L’Union européenne, l’Union africaine, l’ONU, la BAD, le FMI, la Banque Mondiale apportent également leur appui. La tenue régulière de différentes missions d’évaluation du Togo avec ces partenaires témoigne du dynamisme de la coopération multilatérale dans l’ensemble.
La 16ème session du Dialogue Togo-UE de novembre dernier illustre tout aussi bien la qualité de cette coopération que nous souhaitons encore plus bénéfique pour nos populations. Soyez rassuré nous y travaillons davantage!
A cela, s’ajoutent les conférences Inde-Afrique et Chine-Afrique qui illustrent la vitalité de la coopération Sud-Sud.
Je voudrais profiter de l’occasion pour remercier à nouveau tous nos partenaires pour leur soutien indéfectible.
Vous venez d’évoquer, parmi les activités menées, les missions économiques effectuées avec la Chambre du Commerce et d’Industrie du Togo (CCIT). Quel est l’intérêt d’associer la CCIT à ces missions et quelles en sont les retombées?
Dans le cadre de la diplomatie économique que nous menons, il nous paraît crucial d’accompagner les entreprises togolaises dans la prospection des marchés, de les inciter à saisir de nouvelles opportunités qui leur procureront divers avantages et leur permettront d’atteindre un positionnement compétitif sur le plan régional et mondial.
Concrètement, les missions économiques que nous avons initiées ont surtout favorisé la prospection de nouveaux marchés et l’établissement de contacts fructueux. Ainsi, de nombreux accords de partenariats ont été signés à ces occasions. En retour, nous avons enregistré l’arrivée, dans notre pays, de nombreuses délégations d’hommes d’affaires et d’investisseurs étrangers venus découvrir et prospecter le marché togolais et établir des liens avec des hommes d’affaires locaux dans la suite logique des missions économiques que nous avons effectuées.
Vous avez également mentionné l’établissement des relations diplomatiques avec le Kirghizstan, le Sri Lanka, les Iles Seychelles ou encore le Chili. Qu’est-ce qui a motivé l’établissement des relations diplomatiques avec ces pays ?
Notre ambition, en établissant les relations diplomatiques avec ces pays, est d’amplifier l’ouverture du Togo sur l’extérieur. Comme vous pouvez le constater, l’ouverture sur l’extérieur constitue un pilier fondamental de notre politique étrangère.
Nous tenons compte des changements qui se produisent dans l’ensemble des pays et qui se traduisent notamment par l’émergence de certains pôles de développement économique. Or, si nous voulons poursuivre notre croissance et réaliser nos objectifs de développement, nous devons composer avec ces pôles émergents. Ainsi, tout en préservant nos relations traditionnelles et privilégiées avec nos anciens partenaires, nous réorientons notre politique extérieure en vue d’investir de nouvelles zones d’opportunités.
Toutes vos actions sont visiblement pérennes (…) du Club Diplomatique de Lomé aux Prix de l’Excellence en passant par d’importantes rencontres internationales et bientôt « Réussites Diaspora » nous observons une diplomatie togolaise plus présente et rayonnante. On a envie de dire quelle énergie ! Finalement laquelle des ces actions aviez vous préféré ?
Nous n’avons aucune préférence car ici tout est prioritaire !
Le plus important pour nous, c’est le bien-être socio-économique des togolais et le développement de notre pays. Nous travaillons avec le même engagement, la même détermination sur toutes nos initiatives.
Nous sommes heureux des deux années d’existence du Club Diplomatique de Lomé et des Prix de l’Excellence qui s’inscrivent dans la dynamique d’une quête et d’une actualisation permanentes de nos connaissances, de la formation du personnel pour une meilleure conduite de la diplomatie économique au service de la République.
Cette année 2015 a été marquée aussi par la première célébration de la Journée africaine des Mers et des Océans dans notre pays. Aného, ville historique et symptomatique du phénomène de l’érosion côtière a été choisie pour abriter ladite célébration.
Il y a en outre, le lancement de l’initiative « Réussites Diaspora » qui vise à récompenser les talents et les réussites des togolais de la diaspora qui se sont distingués dans les domaines de la science, de la recherche, de l’éducation, de la santé, de l’humanitaire, des médias, de l’économie, des affaires ou encore des nouvelles technologies.
Autant vous dire que le gouvernement togolais accorde une attention particulière à la diaspora. Pour nous, la diaspora est un levier important de développement, une mine d’expériences diverses et variées qu’on peut valoriser (…)
Nous voulons par « Réussites Diaspora » honorer les membres les plus compétents et les plus talentueux de notre diaspora et les accompagner dans leurs futurs projets au Togo.
Ce sera un événement national qui se tiendra du 11 au 16 janvier 2016. Je vous invite, vous journalistes, à nous appuyer (sourire).
Quelle a été, selon vous, le succès majeur de la diplomatie togolaise au cours de l’année 2015 ?
Je ne voudrais pas parler de succès majeur, mais plutôt des motifs de satisfactions.
Dans cette optique, je voudrais d’abord relever que les missions que nous avons effectuées avec le Chef de l’Etat à l’étranger nous ont permis d’obtenir de nouveaux engagements financiers de la part de nos partenaires aux plans bilatéral et multilatéral.
Un autre motif de satisfaction réside en l’élection du Togo au Conseil des droits de l’Homme pour la période 2016-2018. A ce propos, il convient de rappeler que notre pays a obtenu au cours du scrutin organisé le 28 octobre 2015 à l’Assemblée générale des Nations Unies, un suffrage de 189 voix sur 192. Pour nous, l’élection du Togo, avec un tel suffrage, est la reconnaissance des progrès que notre pays a réalisés en matière des droits de l’Homme et dénote surtout de la confiance que nos partenaires placent en nos institutions.
Je voudrais également rappeler, dans le même ordre d’idées, l’engagement fort remarquable du Président de la République dans la gestion de l’épidémie du virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Son excellente gestion du mécanisme de coordination de la CEDEAO sur cette épidémie a été reconnue et félicitée par ses pairs lors du Sommet de l’organisation qui a eu lieu à Abuja le 17 décembre 2015.
En outre, au cours de la 70ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, à laquelle le Chef de l’Etat a pris une part très active, le Togo a été associé par l’ONU au processus de préparation de l’Agenda de développement post-2015 et notre pays a été choisi comme pays pilote, en dehors de Belize, pour l’expérimentation de la nouvelle approche en matière de planification du développement.
Enfin, je voudrais relever que notre pays a franchi, en 2015, une étape décisive dans le processus devant conduire à son éligibilité au Millennium Challenge Account. Comme vous le savez, il s’agit d’un dispositif conçu par le Congrès américain pour réduire la pauvreté à travers la croissance économique durable dans les pays en voie de développement. Ainsi, notre pays va bénéficier en 2016 du programme particulier afin de lui permettre de valider le reste du processus. C’est une avancée notable.
La diplomatie togolaise s’évertue donc à jouer pleinement sa partition, à conduire avec efficience sa mission transversale de prospection et de relais à l’extérieur des besoins et des opportunités du pays dans tous les domaines.
Vous avez évoqué à juste titre l’élection du Togo au Conseil des droits de l’Homme pour la période 2016-2018 ; pouvez-vous nous présenter les priorités du Togo pendant son mandat?
Pendant notre mandat, nous allons jouer pleinement notre rôle, nous affirmer avec force et avec indépendance pour la promotion des valeurs universelles des droits de l’Homme, pour la paix et pour la justice dans le monde. Nous mesurons très bien qu’il s’agit d’assumer des responsabilités particulières au Conseil des droits de l’Homme et nous y prendront naturellement toute notre part.
Peut-on affirmer que la présence du Togo sur la scène internationale est plus perceptible qu’auparavant ?
Absolument. Les faits que j’ai évoqués précédemment en sont la preuve. Dans un monde aux enjeux aussi divers que complexes, notre diplomatie reste mobilisée. Elle s’attèle à faire entendre la voix du Togo et à faire valoir ses vues partout où les grandes thématiques qui lient le sort de l’humanité sont discutées. Sous l’impulsion de Son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBE, notre politique étrangère s’investit résolument dans la promotion du rayonnement et de la défense des intérêts de notre pays.
Nous nous y attelons avec des objectifs diplomatiques exigeants au service d’un système international qui a besoin de repères politiques et éthiques, eu égard aux enjeux aussi importants et complexes que sont, entre autres, les crises humanitaires, les conflits régionaux, les problématiques migratoires, l’aide au développement, les changements climatiques.
Lors de la célébration du 70ème anniversaire de l’ONU à Lomé, vous avez plaidé pour une réforme du Conseil de sécurité. Est-ce une profession de foi ou un projet réaliste ? Croyez-vous que cette réforme est possible et que l’Afrique y trouvera sa part ?
La réforme que nous prônons n’est pas seulement possible, elle est surtout nécessaire. Le fait que l’Afrique ne dispose pas d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU est tout simplement une injustice. Notre position est qu’il faut une révision de la Charte permettant à plus d’un milliard de personnes de notre continent de se faire représenter par au moins deux pays africains au sein du Conseil de sécurité avec droit de véto et deux autres Etats africains comme membres non permanents. Je suis convaincu que cette réforme favorisera une meilleure représentativité de l’ONU et contribuera davantage à renforcer le rôle et l’image de l’ONU dans le monde.
Quelles sont les perspectives de la diplomatie togolaise pour 2016 ?
En 2016, nous nous attèlerons à amplifier l’ouverture du Togo sur l’extérieur, de façon à intensifier la coopération et les échanges internationaux, notamment dans les domaines économique, scientifique, social, culturel, technologique.
Dans cette optique nous allons continuer les réformes que nous avons entreprises et qui s’articulent autour du crédo : rigueur, compétence et culture de l’excellence.
En définitive, notre ambition est de doter nos missions diplomatiques et postes consulaires d’outils innovants pour plus d’efficacité et d’efficience.
Ainsi, en 2016, cela se traduira, entre autres, par le lancement d’un Manuel de procédure. En effet, nous sommes convaincus que, pour que la métamorphose de la diplomatie togolaise prenne véritablement corps et qu’elle s’inscrive définitivement dans l’efficience, il importe que ceux et celles qui l’animent soient bien outillés et qu’ils fassent preuve d’exemplarité. L’exemplarité du comportement, tant personnel que professionnel, la culture de l’excellence et le souci d’apporter une plus-value dans l’exercice de son métier doivent guider le personnel diplomatique tout au long de son séjour hors du territoire national et même à l’intérieur car il s’agit de valeurs fondamentales.
En outre, nous poursuivrons l’extension de notre réseau diplomatique par l’ouverture de nouvelles Ambassade en Europe (entre autres, en Italie) et en Afrique (Sénégal et/ou Côte d’Ivoire, entre autres).
L’autre priorité pour nous en 2016 est l’organisation du Sommet sur la sûreté et la sécurité maritimes et le développement en Afrique. C’est un enjeu de première importance pour notre pays. Nous devrons élaborer une position africaine commune sur la sûreté et la sécurité maritimes et le développement, y compris notamment l’économie bleue qui sera entérinée par la « Déclaration de Lomé ». Celle-ci devra recommander l’adoption par la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement de l’Union, d’une Charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes et le Développement en Afrique, dans le cadre de la Stratégie AIM 2050 et de la mise en œuvre de l’Agenda 2063. Cet instrument devra avoir un caractère contraignant.
Du reste, nous nous évertuerons à faire connaître davantage le Togo, ses réalités, son patrimoine, ses potentialités ainsi que son dynamisme économique et sa mobilité sociale. Nous allons également œuvrer au renforcement de la coopération sous-régionale, régionale et internationale surtout dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Les chances de succès de la lutte contre ce fléau seraient en effet réduites tant qu’il n’y aurait pas de coopération internationale dynamique et cohérente.
Que ce soit au plans politique, économique et financier ou encore au plan sécuritaire, il est clair que la voix du Togo portera d’autant plus dans le monde que nous assumerons nos responsabilités et respecterons nos engagements avec pragmatisme et sans complexes.
L’année 2016 s’annonce donc riche en défis notamment avec le prochain Sommet de l’Union Africaine à Lomé. Professeur DUSSEY, est ce que les choses se précisent cette fois-ci ?
Evidemment, les préparatifs se déroulent sans souci majeur. Une équipe d’évaluation de l’Union Africaine a récemment séjourné à Lomé et tous les aspects de l’organisation du Sommet ont été passés en revue. Les préparatifs évoluent très bien sous la houlette du Président de la République.
Quelle est la nouvelle date retenue pour ce Sommet?
Le Sommet est prévue pour mars 2016, et donc dans trois mois. Comme je vous l’ai dit, les préparatifs se déroulent normalement et dès que tout sera finalisé et que le Gouvernement, de concert avec l’Union africaine, aura déterminé une date exacte, vous en serez logiquement informés.
Source : savoirnews.net