Ministre des Affaires Etrangères, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
NĂ©gociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique

Prof. Robert Dussey

Ministre des Affaires Etrangères, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
Négociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique​

27e sommet de l’Union Africaine : cinq principaux axes au menu des Ă©changes

La protection des femmes et le droit des minoritĂ©s, la succession Ă  la tĂŞte de la commission africaine de Nkosazana Zuma, la lutte contre le terrorisme, la crise burundaise, et la mise en place d’un passeport africain constituent les principaux axes qui seront dĂ©battus par les Chefs d’Etat et de gouvernements africains qui se rĂ©uniront Ă  Kigali le 17 et 18 juillet dans le cadre du 27e sommet de l’Union africaine (UA), affirment plusieurs experts interrogĂ©s par Anadolu (Agence de Presse Turque).

Un sommet sous le signe de la place aux femmes

Cm1KzJjXgAA8b6LSe tenant sous le thème de « 2016: AnnĂ©e de protection des droits de l’homme, avec un accent particulier sur les droits des femmes », le sommet s’est ouvert dimanche avec la session ordinaire du ComitĂ© des reprĂ©sentants permanents (COREP). Il se poursuivra du 13 au 15 juillet, avec la 29ème session ordinaire du Conseil exĂ©cutif. La 27ème Session ordinaire de la ConfĂ©rence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine clĂ´tura ensuite le sommet, en sanctionnant par une dĂ©claration finale les diffĂ©rents travaux.

Terrorisme et sécurité maritime au coeur du Sommet

« L’Afrique est plus que jamais au coeur du risque terroriste qui est en train « mĂ©tastasier » les pays du Sahel. Quoique blessĂ© mortellement, Boko Haram poursuit la diffusion de ses ondes nĂ©gatives dans la rĂ©gion, notamment au niveau du Niger, vĂ©ritable maillon faible dans la rĂ©gion », a dĂ©clarĂ© Ă  Anadolu l’Ă©ditorialiste Hichem Ben YaĂŻche, qui dirige les publications New African et African Business.

« Pays de transit pour les migrants et de trafic en tout genre », le Niger se trouve confrontĂ© Ă  la double menace d’al-QaĂŻda (Ouest) et de Boko Haram (Sud-est). Il se distingue d’un pays comme le Tchad, « qui s’est imposĂ©, grâce Ă  une armĂ©e redoutable, et a rĂ©ussi Ă  sanctuariser son territoire et enrayer l’effet spirale », selon ce spĂ©cialiste de l’Afrique subsaharienne.

Ce sommet procĂ©dera ensuite, aux dernières prĂ©parations, de « l’Ă©vĂ©nement organisĂ© par la commission Paix et sĂ©curitĂ© [de l’UA] prĂ©sidĂ©e par l’AlgĂ©rien SmaĂŻl Chergui: un colloque international coorganisĂ© par l’Etat togolais, sur la sĂ©curitĂ© maritime en Afrique [octobre prochain Ă  LomĂ©] ». Il s’agit d’une nouvelle dimension du terrorisme qu’il faudrait dès Ă  prĂ©sent prĂ©venir, souligne Ben YaĂŻche.

Pour le politologue et enseignant de sciences politiques Ă  l’UniversitĂ© de N’Djamena, Ahmat Mahamat Borgou, approchĂ© par Anadolu, « la question de Boko Haram constitue l’un des principaux thèmes de ce sommet, plus particulièrement la problĂ©matique du financement de la Force Mixte Multinationale (FMM), qui demeure toujours en attente, et sera mise sur la table par le Tchad et ses partenaires engagĂ©s contre le groupe terroriste ».

Quoique dĂ©jĂ  opĂ©rationnelle dans le Bassin du lac Tchad, la FMM (regroupant le Cameroun, le Tchad, le Niger, le NigĂ©ria et accessoirement le BĂ©nin) demeure toujours confrontĂ©e Ă  un certain nombre d’obstacles. « Il n’y a jamais eu d’intĂ©gration des forces : la FMM a un rĂ´le de coordinateur, et les contingents nationaux qui portent l’écusson de la force conjointe opèrent avant tout dans leur propre pays et rendent compte Ă  leur propre capitale », souligne un rĂ©cent rapport de l’ONG International Crisis Group.

Toutefois, la question sécuritaire qui agite le continent africain se trouve intimement liée à la thématique du sommet. La résolution de la seconde sous-tend même le traitement en profondeur de la première.

« Nous savons tous que la sĂ©curitĂ© prĂ©occupe le monde entier mais il ne faut pas qu’elle empĂŞche les prĂ©sidents africains de diagnostiquer les facteurs du blocus de dĂ©veloppement socio-Ă©conomique comme la protection de la femme et des minoritĂ©s au sein des Etats. C’est vrai qu’il faut combattre le terrorisme mais il faut aussi le faire en investissant dans le social et en garantissant la libertĂ© des citoyens pour rĂ©duire le radicalisme dans les rĂ©gions vulnĂ©rables. » a soulignĂ© Ahmat Mahamat Borgou.

ApprochĂ© par Anadolu, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint du ministère de la Communication du Tchad, Abgrene Djibrine Idriss, abonde dans le mĂŞme sens. L’axe de la protection des femmes et le droits des minoritĂ©s du sommet de Kigali, prĂ©occupe bien des gouvernements, donc N’Djamena qui compte ĂŞtre une force de proposition Ă  ce sujet.

« Nous ne comptons pas perdre de vue le thème de la protection des femmes et droits des minoritĂ© sur lesquels reposent le dĂ©veloppement socio-Ă©conomique du Sahel. D’autant plus que cela se trouve liĂ© Ă  la question sĂ©curitaire, et c’est la raison pour laquelle nous comptons faire des propositions allant dans ce sens pendant le sommet. Nous avons travaillĂ© avec des partenaires de la sociĂ©tĂ© civile et la classe politique pour asseoir des thèses solides concernant ce sujet », a dĂ©clarĂ© le haut fonctionnaire tchadien.

Dans le sillage de la question de la protection des minoritĂ©s et de son impact sur la sĂ©curitĂ©, figure la question des dĂ©fis liĂ©s Ă  l’agenda 2063 qui oriente le continent sur « les moyens de s’enrichir effectivement des leçons du passĂ©, de consolider les progrès en cours et d’exploiter stratĂ©giquement toutes les possibilitĂ©s qui s’offrent Ă  court et Ă  moyen termes, pour assurer une transformation socio-Ă©conomique positive de l’Afrique dans les cinquante annĂ©es Ă  venir », selon l’Union africaine.

« La question est d’autant plus urgente que le contexte s’accompagne d’une chute du cours des matières premières. On voit, ainsi, des situations de plus en plus contrastĂ©es Ă©conomiquement se dĂ©velopper, des crises Ă©conomiques Ă  venir, avec leurs lots de crises sociales », commente Ben YaĂŻche.

 

Un sommet dans un environnement de crises dans des pays africains

inséparables des crises sociales, les crises politico-sécuritaires, et en premier lieu celle du Burundi, seront débattues par les dirigeants africains, réunie dans la capitale du Rwanda, un pays voisin du Burundi.

« Tout le monde, y compris [Paul] Kagame, [le prĂ©sident rwandais], a intĂ©rĂŞt Ă  ce qu’il y ait des messages qui passent, dans le sens de la rĂ©solution de la crise [qui agite le pays depuis avril 2015]. La situation au Burundi peut avoir beaucoup d’influence sur le Rwanda, parce que la contagion est un risque rĂ©el », a soutenu Ben YaĂŻche.

 

Le « Passeport Africain » pour une libre circulation

Alors que l’Union EuropĂ©enne (UE) fait face Ă  une crise des plus sĂ©vères, nĂ©e de la sortie du Royaume Uni, l’UA envisage un projet des plus ambitieux; l’Ă©tablissement de la libre circulation sur le continent. « Le sommet donnera un coup d’accĂ©lĂ©rateur Ă  l’intĂ©gration africaine avec le lancement du passeport africain. C’est une bonne chose mais il faut aller vite, car si l’Afrique veut faire face aux Etats-continents Ă©mergents [Chine, Inde, Russie] et aux blocs Ă©conomiques et politiques occidentaux [Etats-Unis et UE], il lui faut, dès maintenant ou dans le moyen terme, faire de la libre circulation des personnes et des biens, l’uniformisation des politiques Ă©conomiques et fiscales, une rĂ©alité », souligne, dans une dĂ©claration Ă  Anadolu Geoffroy-julien Kouao juriste et analyste politique Ă  l’UniversitĂ© du Maghreb Ă  Abidjan.

« Quelques centaines de ce passeport couleur bleu nuit seront offertes aux présidents, aux chefs de gouvernement, aux ministres des affaires étrangères et aux représentants permanents à Addis-Abeba, siège historique de l’UA. », souligne à ce titre le journal français, Le Monde.

La succession de Nkosazana Dlamini-Zuma également au programme.

Quoique considĂ©rĂ©e par certains comme « secondaire », la question de la succession Ă  la tĂŞte de la Commission africaine de la Sudafricaine Nkosazana Dlamini-Zuma « conditionne aussi une certaine cohĂ©rence dans le fonctionnement de l’UA », selon Ben YaĂŻche. L’expert tunisien explique que le dĂ©part auto-annoncĂ© de Zuma, en poste depuis 2012, sanctionne une situation devenue intenable « d’une femme dont le corps est Ă  Addis-Abeba et la tĂŞte en Afrique du Sud », prĂ©cise-t-il, faisant allusion aux ambitions politiques nationales de Zuma.

A ce titre, quelques candidatures émergent, celles de l’Équato-Guinéen Agapito Mba Mokuy, de la Botswanaise Pelonomi Venson-Moitoi, de l’Ougandaise Speciosa Wandira-Kazibwe et du Sénégalais Abdoulaye Bathily.

« Il y a cinq rĂ©gions en Afrique, et une nĂ©gociation très forte. L’Afrique francophone est toujours en perte de vitesse, comme on le voit au niveau de leur reprĂ©sentativitĂ© au sein des institutions africaines, la BAD Ă  titre d’exemple. De mĂŞme que les divisions des MaghrĂ©bins ne leur ont jamais permis d’avoir quelqu’un pour prĂ©sider la commission de l’UA », a commentĂ© Ben YaĂŻche, dans une allusion Ă  peine masquĂ©e quant aux chances du SĂ©nĂ©galais de briguer la prĂ©sidence de l’Ă©pine dorsale de l’UA.

Et de conclure, « Certes, Zuma est sur le dĂ©part. Mais comme la question de son successeur divise, la nomination risque de s’enliser, et elle serait alors appelĂ©e Ă  assurer une transition, comme cela s’Ă©tait fait par le passé ». (AA)

 

Source : Anadolu

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