Ministre des Affaires Etrangères, de l'intégration Régionale et des Togolais de l'Extérieur - Togo
Négociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique

Prof. Robert Dussey

Ministre des Affaires Etrangères, de l'intégration Régionale et des Togolais de l'Extérieur - Togo
Négociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique​

Robert Dussey : « une approche globale pour dépasser la piraterie »

C’est la première fois que les chefs d’État et de gouvernement des 54 pays de l’Union africaine se réunissent sur une thématique majeure : celle de la sécurité et de la sûreté maritimes, et le développement en Afrique (le 15 octobre 2016). Dans le golfe de Guinée, la recrudescence de la piraterie a atteint une dimension inquiétante. Ces attaques résultent, pour l’essentiel, des troubles liés à l’industrie pétrolière dans la région, notamment au Nigeria où vit la moitié de la population ouest-africaine.

Avec l’explosion du marché noir du pétrole en Afrique de l’Ouest, les attaques récemment perpétrées dans la région ciblaient pour l’essentiel des navires transportant des produits pétroliers. Mais la piraterie n’est qu’une partie visible de la sécurité maritime.

Le phénomène entraîne avec lui une hausse des phénomènes corollaires de trafic de drogue, siphonnage de pétrole et trafic d’êtres humains. Résultat : économiquement, les pays concernés perdent jusqu’à 2 milliards de dollars par an, alors que les recettes maritimes représentent jusqu’à 20 % des budgets nationaux. Il y a donc urgence. Les États riverains ont décidé en juin 2013 à Yaoundé de créer un centre de coordination interrégional contre la piraterie et des centres régionaux le long de la côte. Problème, ces centres créés depuis manquent encore d’ordinateurs, d’imagerie, les marines nationales de patrouilleurs et vedettes rapides, sans oublier que le dialogue interrégional n’est pas toujours au rendez-vous. Quel est donc aujourd’hui le véritable enjeu de ce sommet ?

Robert Dussey, l’influent ministre des Affaires étrangères et chef d’orchestre du sommet de Lomé, détaille pour Le Point Afrique les raisons d’en passer par une Charte africaine de Lomé, un texte juridique plus contraignant. Mais aussi une première pour tout un continent.

Le Point Afrique : Que prévoit la Charte de Lomé ?

Robert Dussey : Globalement, la Charte de Lomé prévoit des objectifs qui vont de la lutte contre la piraterie et les trafics illicites sur les mers et océans à l’intensification de la mise en œuvre de la Stratégie AIM 2050, en passant par la promotion de l’économie bleue. Ces objectifs induisent un ensemble d’actions concrètes dans plusieurs compartiments de la maîtrise des espaces maritimes en Afrique.

Ainsi, la Charte de Lomé, perçue à ce titre comme le cadre d’harmonisation d’un ensemble d’actions cohérentes, a pour mérite essentiel de fédérer des mécanismes existants et régissant la matière.

Aussi, voudrais-je vous rappeler que c’est la toute première fois que les 54 États de l’UA se réunissent sur une thématique si importante pour l’avenir de tout notre continent.

Quelles sont les contraintes de ce texte juridique pour les États africains ?

Au regard des enjeux de ce sommet extraordinaire sur la sécurité et la sûreté maritimes, et le développement en Afrique, il fallait une charte contraignante allant dans le sens de la prévention et de la répression de la criminalité maritime, de façon progressive, au niveau national et international.

Pourquoi opter pour un texte à valeur juridique ?

Conscients de la gravité des fléaux qui menacent le facteur important de développement économique que représentent les mers et océans, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine ont opté pour un texte à valeur juridique qui viendrait justement combler un vide juridique en la matière, et à l’échelle du continent. Évidemment, cela va de la responsabilité de tous les États membres de l’UA.

Les dangers ne sont pas les mêmes entre le golfe de Guinée et par exemple les côtes somaliennes, pourquoi faire une charte commune aux 54 États ?

C’est vrai que d’une région à une autre les dangers ne sont pas les mêmes. En revanche, tous nos océans et mers, voies par excellence de plus de 90 % des importations et exportations en Afrique, subissent les mêmes dégâts. Par ailleurs, tous nos États en sont victimes. Nous sommes tous persuadés qu’aucun État ne peut à lui seul venir à bout de ce danger.

C’est pourquoi protéger nos mers et nos océans à travers la Charte de Lomé est une impérieuse nécessité qui engage le présent et surtout l’avenir des 54 États.

N’avez-vous pas peur que certains États refusent de la signer ou d’appliquer les directives, car ils n’ont finalement pas les mêmes besoins ou ressources ?

La Commission de l’UA comme les 54 États membres sont conscients de l’impérieuse nécessité d’aller à l’adoption et à la signature de cette Charte.

Depuis 2013, aucun acte de piraterie n’a été commis au Togo, pensez-vous que la sécurité maritime soit l’urgence du moment pour le Togo et la région ?

Hier, c’était les côtes somaliennes, aujourd’hui, c’est le golfe de Guinée, où se trouve géographiquement le Togo. La vision du président de la République, S.E.M Faure Essozimna Gnassingbé, est de prévenir ces dangers. C’est d’ailleurs pour cette raison que la marine togolaise a bénéficié d’énormes moyens (matériels, équipement et formation…) ces dernières années. Pour le Togo, qui est une porte d’entrée de la région au travers de son port, la sécurité maritime est une réelle urgence.

 

Partager cet article