DÉCLARATION DE L’HONORABLE PROFESSEUR ROBERT DUSSEY
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DE LA COOPERATION ET DE L’INTEGRATION AFRICAINE DE LA REPUBLIQUE DU TOGO ET
NÉGOCIATEUR EN CHEF DU GROUPE D’ÉTAT ACP
Vendredi 28 septembre 2018, 10h00
New York, États-Unis d’Amérique
Votre Excellence, chers invités, Mesdames et Messieurs.
Permettez-moi d’abord de remercier le commissaire ministre d’avoir accepté de se comporter à New York.
En moins de deux ans, nous sommes appelés à renouveler les conditions de la coopération ACP-UE. Cette cérémonie lance officiellement le processus des négociations qui nous mènera à un nouvel accord. La signature d’un nouvel accord de coopération entre nos deux entités a été très utile, car l’Union européenne et les pays ACP ont encore des possibilités inexploitées d’explorer et d’exploiter ensemble. Pour paraphraser le titre d’un livre de Karl POPPER et Konrad LORENZ, l’horizon de notre coopération reste ouvert et il y a place à l’espoir pour l’avenir.
Pour l’avenir de notre coopération, l’espoir n’est justifié que s’il est basé sur un engagement commun à voyager ensemble sur la voie de la prospérité. Nous devons travailler ensemble pour réussir ensemble. La coopération ACP-UE ne restera fidèle à son ambition d’origine que s’il reste un partenariat au service du droit humain fondamental au développement des peuples ACP. Le principal défi pour les ACP reste la guerre contre le manque de développement et notre partenariat doit pouvoir aider les États membres ACP à relever ce défi.
Le lien entre le groupe ACP et l’UE était établi à l’article premier du chapitre 1 de l’accord de Georgetown, l’acte constitutif du groupe ACP, qui stipule que « les membres du groupe ACP sont les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique qui sont signataires de la Convention de Lomé et du présent Accord. » Le groupe ACP souligne que le partenariat ACP-UE est une réalisation unique et précieuse qui a renforcé les liens entre les peuples et les pays ACP et de l’UE au cours des 45 dernières années de son existence. L’ouverture des négociations aujourd’hui marque la continuité de la confiance dont les parties au partenariat ont besoin.
Des difficultés, des malentendus et des pièges peuvent surgir dans la coentreprise de négociations, mais nous devons rester fermes, utiliser notre «sagesse pratique» pour les surmonter. «La sagesse pratique», l’autre dénomination de la phronèse d’ARISTOTE, dit Paul RICOEUR dans son travail soi-même comme autre, «consiste à inventer un comportement juste adapté au caractère singulier du cas». Cela peut nous aider à surmonter les apories, les «désaccords raisonnables», les «illusions objectives» et les risques d’impasse inhérents à tout processus normal de négociation.
Nous devons veiller à ce que la coopération ACP-UE serve réellement la cause du développement des pays ACP. La coopération ACP-UE ne peut conduire au développement souhaité et espéré par les Etats ACP que si elle ne détruit pas leurs initiatives de développement endogènes, si elle ne transige pas – pour emprunter le mot à Amartya SEN – les «capacités» des pays ACP à travers la désindustrialisation et le démantèlement de leurs économies. C’est dans l’intérêt économique et stratégique de l’Europe que les pays ACP se développent. Penser autrement serait un manque d’ambition.
Nous avons besoin de plus d’ambition et d’imagination pour comprendre les nouveaux défis de notre coopération que nous espérons et souhaitons être plus fructueux, plus justes et plus responsables. Lorsque vous voyagez sur deux routes, vous avez besoin d’une lucidité essentielle pour ne pas marcher sur les pieds de vos compagnons de route. La lucidité, par son étymologie latine, signifie «lumière» et quelqu’un qui est lucide, dit Augustin Kouadio DIBI «est quelqu’un qui peut voir clairement, quelqu’un qui saisit les choses à la lumière». À la lumière, nous arriverons à un nouvel accord dans le meilleur intérêt de l’Europe et des pays ACP.
De nombreux sujets seront à l’ordre du jour des négociations à venir. Ces sujets concernent des domaines (à des fins d’illustration) tels que l’économie et l’investissement, la coopération au développement, la recherche et l’innovation technologique, le changement climatique, la guerre contre la pauvreté, la sécurité, le dialogue politique et les migrations. L’examen de tous ces sujets doit se faire dans un avenir proche dans une plus grande rationalité.
Parce que je reste convaincu que l’horizon de la coopération ACP-UE reste ouvert; que l’Union européenne et les pays ACP ont encore «un avenir possible» à explorer et à inventer ensemble, je voudrais terminer sur cette pensée du philosophe français de la prospection Gaston Berger dans son livre La Phénoménologie du temps et de la prospective: «Demain ne sera pas être comme hier. Ce sera nouveau et cela dépendra de nous. C’est moins à découvrir qu’à inventer ».
Bonne chance pour les négociations futures.
Merci de votre attention