Le président turc Recep Tayyip Erdogan a pressé jeudi les dizaines de dirigeants musulmans réunis à Istanbul de surmonter les différences confessionnelles pour mieux lutter contre le péril djihadiste et apaiser une région minée par les guerres.
Le chef de lâEtat turc, qui sâexprimait Ă lâouverture de la 13e confĂ©rence annuelle de lâOrganisation de la coopĂ©ration islamique (OCI), a annoncĂ© la crĂ©ation prochaine dâun « Interpol islamique » basĂ© Ă Istanbul pour coordonner la lutte antiterroriste.
« Nous ne devons pas nous diviser, mais nous rassembler (âŠ) pourquoi attendons-nous une aide extĂ©rieure pour affronter nos diffĂ©rends et faire face aux actes terroristes ? Nous devons nous en occuper nous-mĂȘmes », a dĂ©clarĂ© M. Erdogan devant ses hĂŽtes, dont le roi Salmane dâArabie saoudite et le prĂ©sident iranien Hassan Rouhani.
« Le principal dĂ©fi que nous devons surmonter, câest le confessionnalisme. Ma religion nâest pas le sunnisme ou le chiisme. Câest lâislam », a-t-il ajoutĂ©.
Les reprĂ©sentants de 56 pays, dont une trentaine de chefs dâEtat, participent au sommet dans un contexte de crises rĂ©gionales et mondiales, marquĂ©es par la poursuite des conflits en Syrie et au YĂ©men et une sĂ©rie dâattentats qui ont ensanglantĂ© plusieurs Etats, dont la Turquie hĂŽte.
Le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, reprĂ©sente le chef de lâEtat Ă ce sommet.
Tirant Ă boulets rouges sur le groupe Etat islamique (EI) et « toutes les organisations terroristes qui servent la mĂȘme cause malĂ©fique », le prĂ©sident Erdogan a annoncĂ© que sa proposition de crĂ©er un « centre de coopĂ©ration et de coordination » des polices des pays de lâOCI avait Ă©tĂ© acceptĂ©e.
Celui-ci sera basé à Istanbul, a affirmé M. Erdogan, sans autre détail.
Le sommet de lâOCI se dĂ©roule sous haute sĂ©curitĂ© dans le centre dâIstanbul, quadrillĂ© par plus de 5.000 policiers spĂ©cialement mobilisĂ©s, selon lâagence de presse progouvernementale Anatolie, et survolĂ© par des hĂ©licoptĂšres.
La Turquie vit depuis plusieurs mois en Ă©tat dâalerte renforcĂ©e en raison dâune sĂ©rie dâattentats attribuĂ©s Ă lâEI ou liĂ©s Ă la reprise du conflit kurde.
Avant le coup dâenvoi du sommet, M. Erdogan a offert mercredi soir Ă ses invitĂ©s un tour sur le Bosphore Ă bord dâun yacht de luxe et a multipliĂ© les entretiens bilatĂ©raux. Il a reçu dĂšs mardi en grande pompe le roi saoudien et il doit rencontrer son homologue iranien aprĂšs le sommet.
Ce rassemblement dans lâancienne capitale de lâEmpire ottoman, qui rayonnait autrefois sur trois continents, revĂȘt une dimension diplomatique importante pour la Turquie, pour qui la pĂ©riode des « printemps arabes » sâest soldĂ©e par un fort isolement.
Le pays est brouillĂ© avec lâEgypte depuis le renversement en 2013 du prĂ©sident issu des FrĂšres musulmans Mohamed Morsi, coupĂ© de la Syrie de Bachar al-Assad et les relations avec lâIran chiite sont Ă©conomiquement en pleine croissance mais diplomatiquement volatiles.
Egalement en froid avec Moscou aprĂšs avoir abattu un avion russe accusĂ© dâavoir violĂ© leur espace aĂ©rien Ă la frontiĂšre syrienne, les Turcs ont multipliĂ© les efforts pour rĂ©activer dans la rĂ©gion dâanciennes amitiĂ©s, comme celle avec IsraĂ«l, ou chercher des alliances nouvelles, notamment avec lâArabie saoudite.
Lors du sommet, M. Erdogan a Ă©galement abordĂ© la question palestinienne, un sujet central lors de la confĂ©rence annuelle de lâOCI.
« La seule voie pour une paix durable en Palestine et dans la rĂ©gion passe dâabord par la fin de lâoccupation (israĂ©lienne) et la crĂ©ation dâune Palestine indĂ©pendante avec pour capitale JĂ©rusalem-Est », a dit M. Erdogan.
La rencontre a aussi lieu dans le contexte dâune dĂ©fiance croissante Ă lâĂ©gard de lâislam dans de nombreux pays occidentaux aprĂšs une vague dâattentats revendiquĂ©s par lâEI (Etat Islamique), notamment en France et en Belgique.
M. Erdogan a dĂ©plorĂ© lâ « augmentation dangereuse de lâislamophobie et du racisme dans les pays occidentaux », Ă©gratignĂ©s pour leur « ambivalence » face aux attentats. « Ils parlent des attentats de Bruxelles, ils parlent des attentats de Paris », a dit M. Erdogan. « Mais pourquoi ne parlent-ils pas des attentats dâAnkara ou de Lahore (Pakistan)? »