THĂME :
LA CONFĂRENCE DE BERLIN 1884-1885 OU « LE PARTAGE DE LâAFRIQUE SANS LâAFRIQUE »
– Monsieur Stefan Wintels, PrĂ©sident du conseil d’administration de KfW
– Prof. Dr. Horst Kohler, Ancien PrĂ©sident de la RĂ©publique FĂ©dĂ©rale dâAllemagne
– Mme Ellen Johnson-Sirleaf, Ancienne prĂ©sidente de la RĂ©publique du Liberia
– ChĂšre Juliana Lumumba, ancienne Ministre de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo
Chers organisateurs de lâĂ©vĂšnement qui nous rĂ©unit en ce jour,
Mesdames et Messieurs, chers amis de la presse Ă vos rangs et grades respectifs
Il y a, de nos jours, un ardent besoin de dialogue entre lâAfrique et lâEurope et des occasions de ce genre sont des moments de dialogue qui ne disent pas leur nom. Câest pourquoi, je voudrais fĂ©liciter les promoteurs de cet Ă©vĂšnement et les remercier pour lâinvitation qui mâa Ă©tĂ© faite de prendre la parole pour partager avec vous mes vues et convictions sur la ConfĂ©rence de Berlin de la fin du XIXe siĂšcle et ses implications pour lâAfrique en tant que continent, mais aussi en tant quâactrice de la scĂšne internationale.
LâAfrique avec une Superficie de 30 370 000 km2 ; est plus grande que toute lâEurope, la Chine et les Etats-Unis rĂ©unit. LâAfrique possĂšde 60% des terres arables, 90% des rĂ©serves de matiĂšres premiĂšres, 40% des rĂ©serves mondiales dâor. LâAfrique regorge de 33% des rĂ©serves mondiales de diamant, 80% des rĂ©serves mondiales de coltan, mĂ©tal utilisĂ© pour la production de tĂ©lĂ©phone et lâĂ©lectronique surtout en RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo, 60% des rĂ©serves mondiales de cobalt, mĂ©tal utilisĂ© pour la fabrication de batterie de voiture. LâAfrique est riche en pĂ©trole, en gaz naturel, en manganĂšse en fer, en boisâŠ.Les terres agricoles en RDC seulement sont capables de nourrir toute lâAfrique. La population mondiale des jeunes en Afrique devraient atteindre 25.000.000 dâici 2050. LâAfrique reprĂ©sente lâavenir de lâhumanitĂ©. Oui câest cet immense continent que vous aviez divisĂ©, partagĂ© selon vos intĂ©rĂȘts sans tenir compte des intĂ©rĂȘts des africains.
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver en Allemagne, votre pays dont jâai des annĂ©es durant bu du lait de vos imminents penseurs qui ont façonnĂ©s la pensĂ©e europĂ©enne en gĂ©nĂ©rale et celle du siĂšcle des lumiĂšres en particulier. Je voudrais citer ici: Friederich Hegel, Martin Heidegger, Edmund Husserl, Anna Arendt, Arthur Schopenhauer, Karl Max, JĂŒrgen Habermas, Theodore Adorno, ⊠Leo Strauss, Karl Jaspers et bien sĂ»r Emmanuel Kant dont je suis un disciple de la pensĂ©e. Jâai eu lâopportunitĂ© dĂ©jĂ dâintervenir ici dans les universitĂ©s allemandes, dans un cadre dâĂ©changes dâexpĂ©rience interuniversitaire, Ă dispenser dans le passĂ© des cours⊠Et câest fort de cette amitiĂ© que je voudrais en tant que kantien que lâon se pose ensemble les trois questions auxquelles lâensemble de sa philosophie sâest efforcĂ©e de rĂ©pondre: QUE PUIS CONAITRE? Que dois-je savoir sur la confĂ©rence de Berlin ? Que m est-il permis dâespĂ©rer? Ou autrement dit Que sâĂ©tait-il passĂ©? Que sâĂ©tait-il dit ici Ă Berlin ?
Jâai beaucoup dâamis ici parmi vous et en tant quâami, je voudrais ĂȘtre sincĂšre avec vous et aussi vous dire la vĂ©ritĂ©. La sincĂ©ritĂ© est l’identitĂ© de l’ĂȘtre et du paraĂźtre, de l’intĂ©rieur et de l’extĂ©rieur, la parfaite transparence Ă soi-mĂȘme. On ne se connaĂźt qu’en s’arrangeant, et lorsque nous savons ce que nous sommes, nous ne sommes dĂ©jĂ plus ce que nous Ă©tions.Du point de vue de Kant, l’absence de sincĂ©ritĂ© tient d’abord au fait de vouloir simuler des convictions que l’on n’a pas, en allant jusqu’Ă se cacher Ă soi-mĂȘme ses propres doutes, et en exigeant des autres qu’eux aussi ils simulent la conviction.
La vĂ©ritĂ© est dĂ©finie comme l’adĂ©quation entre un jugement et la rĂ©alitĂ©. Pour le sens commun, une proposition ou une thĂ©orie est « vraie » lorsqu’elle est conforme au rĂ©el et qu’elle peut ĂȘtre attestĂ©e par l’observation ou par l’expĂ©rimentation. Ici le rĂ©el est clair, les faits sont lĂ .
Pour nous Africains, Berlin, cette belle ville, symbolise le partage de lâAfrique sans lâAfrique.
###En Afrique, avant l’esclavage, la vie des africains Ă©tait assez similaire Ă celle des europĂ©ens qui nous ont asservi plus tard. Certains vivaient dans de grandes villes, d’autres dans des petites villes, d’autres encore vivaient Ă la campagne. Certains Ă©taient riches, d’autres pauvresâŠ..
Quelles sont les structures de l’organisation de la sociĂ©tĂ© africaine ?
Elles sont utiles pour la comprĂ©hension des trois ordres qui caractĂ©risent principalement les sociĂ©tĂ©s africaines : le lignage, la chefferie et l’Ătat hybride.
LâAfrique est restĂ©e longtemps une terra incognita, mais que, mĂȘme si de la pĂ©riode homĂ©rique (VIIIe siĂšcle avant notre Ăšre) Ă celle dâHĂ©rodote (Ve siĂšcle avant notre Ăšre), lâAfrique Ă©tait vue comme un continent obscur, ses contacts avec lâextĂ©rieur existaient nĂ©anmoins. Tout ceci se transforme bien avant le dĂ©but de la colonisation. Celle-ci marque plus un changement quâun dĂ©but dâinsertion de lâAfrique dans le systĂšme europĂ©en dont les contours, mĂȘme sâils nâĂ©taient pas encore dĂ©finitivement stabilisĂ©s, Ă©taient alors relativement clairs.
La rĂ©ponse. A la question fondamentale Ă la lumiĂšre de la philosophie dâEmmanuel Kant est que LA CONFĂRENCE DE BERLIN A CONDUIT Ă LA PARTITION DE LâAFRIQUE sans les Africains et a lâĂ©tablissement de frontiĂšres arbitraires entre les territoires coloniaux sources de conflits inter ethniques, ĂtatiquesâŠ..etc.
Ă Berlin, lâAfrique Ă©tait prĂ©sente tout en Ă©tant absente. Elle a Ă©tĂ© prĂ©sente en tant que butin dont il faut dĂ©finir les conditions du partage et a Ă©tĂ© au cĆur de la confĂ©rence sans ĂȘtre partie prenante. Le prĂ©sent et lâavenir durable de lâAfrique ont Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©s en Europe ici en Allemagne sans lâAfrique et en absence de lâAfrique. Et l’absence de dĂ©lĂ©gations africaines Ă la confĂ©rence de Berlin signifie que les intĂ©rĂȘts et les perspectives des Africains n’ont pas Ă©tĂ© pris en compte.
La ConfĂ©rence de Berlin avait pour but de rĂ©guler la colonisation et le commerce en Afrique pour Ă©viter les conflits entre puissances europĂ©ennes, dâĂ©tablir des rĂšgles entre europĂ©ens pour la reconnaissance des revendications territoriales. La suite est connue. LâAfrique a Ă©tĂ© de façon systĂ©matique envahie malgrĂ© les rĂ©sistances hĂ©roĂŻques de nos peuples.
Ce qui sâĂ©tait passĂ© Ă Berlin entre le 15 novembre 1884 et le 26 fĂ©vrier 1885 ne serait pas aussi choquant et humainement inacceptable sâil ne sâagissait pas du sort de tout un continent et Ă lâĂ©poque de plus de 100 millions de personnes dont le destin immĂ©diat, proche et futur Ă©tait engagĂ©. Berlin avait servi de cadre Ă un dessein aussi funeste que le projet impĂ©rial et colonial europĂ©en.
AprĂšs, lâimpĂ©rialisme europĂ©en sâĂ©tait imposĂ© avec brutalitĂ© Ă lâAfrique et sâest rendu coupable des crimes et assassinats de masse. La brutalitĂ© sâĂ©tait exprimĂ©e par des viols des femmes africaines, la violence policiĂšre, les massacres et la dĂ©portation des rĂ©sistants, la perpĂ©tration des actes de crimes contre lâhumanitĂ© et de gĂ©nocides.
Mesdames et Messieurs,
La philosophie de Kant est gĂ©nĂ©ralement comprise comme une philosophie purement spĂ©culative. Cependant, elle est directement issue de prĂ©occupations pratiques, et vise Ă la solution de problĂšmes pratiques. Kant est profondĂ©ment touchĂ© par la chose politique. LâĆuvre majeure de Kant, la critique de le raison pure est indissociable dans son inspiration de la critique de la raison pratique et de la MĂ©taphysique des mĆurs. Et câest fort de ce dernier ouvrage que nous continuerons notre rĂ©flexion sur les consĂ©quences de Berlin sur la vie des africains. Ce que nous voulons, câest discuter avec sincĂ©ritĂ© de la ConfĂ©rence de Berlin, aborder lâhistoire coloniale et parvenir Ă un apprentissage et une mĂ©moire commune mĂȘme quand elle semble difficile Ă accepter afin dâapprofondir le partenariat africano-europĂ©en et de discuter ensemble de notre futur commun. Pour ce faire, nous devons nous dire la vĂ©ritĂ©. Car Pendant la colonisation, la quasi-totalitĂ© des peuples dâAfrique ont Ă©tĂ© privĂ©s de leurs droits Ă disposer dâeux-mĂȘmes. Le colonialisme Ă©tait un rĂ©gime incompatible avec la libertĂ© des peuples colonisĂ©s, avec ce qu’AimĂ© CĂ©saire a appelĂ© le «droit Ă l’initiative historique » des peuples colonisĂ©s. LâAfrique a Ă©tĂ© soumise Ă la domination sur fond dâimposition de ce que le philosophe africain Valentin-Yves Mudimbe a appelĂ© dans son beau livre Lâinvention de lâAfrique « la bibliothĂšque coloniale ».
LâEurope nâa pas Ă©tĂ© seulement brutale envers lâAfrique. Elle avait liĂ© brutalitĂ© et malice, elle dĂ©structurait le continent tout en prĂ©tendant lâouvrir Ă la civilisation et aux bienfaits de lâĂ©conomie et du commerce dans un monde en marche vers le progrĂšs. Elle a tentĂ© de justifier ses crimes en sâoctroyant une prĂ©tendue mission civilisatrice. Ignorait-elle que lâAfrique est le berceau des civilisations millĂ©naires qui, suivant Cheikh Anta Diop, avait mis lâhumanitĂ© dans son ensemble sur la voie de la civilisation ?
Ă la vĂ©ritĂ©, pour citer AimĂ© CĂ©saire du Discours sur le colonialisme, la colonisation, câest des « sociĂ©tĂ©s vidĂ©es d’elles-mĂȘmes, de cultures piĂ©tinĂ©es, d’institutions minĂ©es, de terres confisquĂ©es, de religions assassinĂ©es, de magnificences artistiques anĂ©anties, d’extraordinaires possibilitĂ©s supprimĂ©es ». CĂ©saire avait eu en son temps lâaudace de la vĂ©ritĂ© lorsquâil ne voyait dans la colonisation rien dâautre que la dĂ©shumanisation et jamais une mission civilisatrice.
Le colonialisme, disait pour sa part Frantz Fanon, câest « la violence Ă lâĂ©tat de nature », il est « une nĂ©gation systĂ©matisĂ©e de lâautre, une dĂ©cision forcenĂ©e de refuser Ă lâautre tout attribut dâhumanitĂ© ».
Nous, Africains, avions des raisons dâen vouloir Ă lâEurope puisquâon ne traite pas ses voisins aussi cruellement comme lâEurope lâavait fait suite Ă la ConfĂ©rence de Berlin. LâĂ©thique de la responsabilitĂ© chĂšre Ă Max Weber avait manquĂ© aux politiques europĂ©ens qui sâĂ©taient rendus coupables des crimes contre les peuples dâAfrique.
Mesdames et messieurs,
Le choc de la confĂ©rence de Berlin nous conduit Ă la formulation d’un « impĂ©ratif catĂ©gorique » de Kant qui dit : « Agis uniquement d’aprĂšs une maxime telle que tu puisses vouloir en mĂȘme temps qu’elle devienne une loi universelle », ou encore : « Agis comme si la maxime de ton action devait ĂȘtre Ă©rigĂ©e par ta volontĂ© en loi universelle de la nature. » Le mensonge, la dissimulation deviennent le prototype de l’acte immoral : la volontĂ© s’y contredit elle-mĂȘme. L’acte moral, a contrario, rĂ©vĂšle une raison pratique, un usage rĂ©gulateur pour l’action du principe de non-contradiction ou d’universalitĂ© formelle. Kant dĂ©duit de ce principe des applications aux problĂšmes moraux traditionnels. Il faut comprendre que le « respect » de la loi morale se confond avec la « dignitĂ© » de l’homme. L’impĂ©ratif catĂ©gorique peut alors se reformuler : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanitĂ©, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en mĂȘme temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »
Le passĂ© colonial est un passĂ© qui ne passe pas, qui refuse de passer parce que lâAfrique en garde une mĂ©moire vive. Les peuples dâAfrique sont accueillants et respectueux. Mais ils ont la mĂ©moire des crimes coloniaux et cette mĂ©moire structure leurs rapports Ă lâEurope.
Curieusement, l’esprit colonial demeure prĂ©sent chez plusieurs pays anciens colonialistes et gouverne leurs comportements envers l’Afrique. RĂ©gis Debray a vu juste lorsquâil a affirmĂ© que les pays europĂ©ens ont enlevĂ© le casque de la colonisation tout en gardant une tĂȘte coloniale. Certaines anciennes puissances colonisatrices continuent de voir en lâAfrique leur terre d’influence et cela est inacceptable pour nous gĂ©nĂ©rations d’Africains actuels.
Ce qui se passe au Conseil de SĂ©curitĂ© des Nations Unies depuis bientĂŽt 80 ans malgrĂ© des demandes pressantes de rĂ©formes de l’Afrique est comparable Ă des confĂ©rences de Berlin bis oĂč les grandes puissances dĂ©cident du sort de l’Afrique sans la prĂ©sence de l’Afrique et sans tenir compte des perspectives africaines.
Le sort qui continue d’ĂȘtre celui de l’Afrique sur la scĂšne internationale est en partie le rĂ©sultat de la colonisation de l’Afrique, donc de la ConfĂ©rence de Berlin. L’Afrique est le seul continent au monde qui continue d’ĂȘtre manipule de l’extĂ©rieur et qui est au cĆur des convoitises du monde. C’est cette Afrique-lĂ que nous ne voulons plus et tout ceux qui entendent entretenir de bonnes relations avec l’Afrique qui n’ont pas encore compris cela se trompe d’Ă©poque et de la rĂ©alitĂ© de ce que l’Afrique est en passe de devenir.
Notre gĂ©nĂ©ration appartient Ă l’Afrique qui a dĂ©cidĂ© de reprendre en main propre son Histoire, d’ĂȘtre elle-mĂȘme sur la grande scĂšne de l’Histoire universelle. De la ConfĂ©rence de Berlin Ă la pĂ©riode dâoccupation coloniale en passant par les annĂ©es des indĂ©pendances et la fin de lâapartheid en Afrique du Sud jusquâau temps actuels, lâAfrique est passĂ©e du statut dâun « continent chosifiĂ© », pour reprendre un concept de la philosophe allemande un continent « rĂ©ifiĂ© » Ă celui dâun continent qui, suivant lâAgenda 2063 de lâUnion Africaine, entend dĂ©sormais agir « en tant quâacteur et partenaire fort, uni et influent sur la scĂšne mondiale ».
140 ans aprĂšs la confĂ©rence de Berlin, lâAfrique entend dâĂȘtre au centre de ses propres dĂ©cisions, sâautodĂ©terminer, parler dâelle-mĂȘme et porter sa propre voix sur la scĂšne internationale. Le renouveau actuel de lâidĂ©al panafricain sur le continent et chez les diasporas africaines devrait ĂȘtre compris comme tel.
Mesdames et Messieurs chers amis et participants, loin de nous lâidĂ©e de faire un procĂšs Ă lâEurope car pour nous africain nous partagerons au sens kantien une humanitĂ© commune, surtout que lâAfrique est le berceau de lâhumanitĂ©. Mais sachez ceci:
LâAfrique ne veut plus sâaligner sur les grandes puissances quelles quâelles soient. Le rĂŽle assignĂ© Ă lâAfrique se rĂ©sume en votre zone dâinfluence. LâAfrique ne revĂȘt un intĂ©rĂȘt aux yeux de certaines puissances (je dis bien certaines, pas toutes) issue de la confĂ©rence de Berlin que lorsquâelles se retrouvent en difficultĂ©. Aujourdâhui, lâAfrique nâoccupe pas la place quâelle devrait tenir sur la scĂšne internationale.
Pour certains dâentre vous, le continent africain nâa pas de rĂŽle Ă jouer en tant quâacteur « majeur » au sens kantien du terme sur la scĂšne internationale.
Depuis Berlin il y a 140 ans, Les grandes puissances veulent rĂ©duire lâAfrique Ă une entitĂ© purement instrumentale au service de leurs causes et ne veulent visiblement pas que le continent puisse jouer un rĂŽle important.
Mais aujourdâhui, sâil vous plaĂźt, faites attention. Ăcoutez ce que je vous dis. Mes propos sont amicaux.
LâAfrique a pris conscience de sa responsabilitĂ© propre et parle de plus en plus dâune seule et mĂȘme voix. LâAfrique veut ĂȘtre elle -mĂȘme, elle ne veut plus se faire manipuler.
LâAfrique attend Ă plus dâĂ©galitĂ©, de respect, dâĂ©quitĂ© et de justice dans ses relations et partenariats avec le reste du monde. Aujourdâhui les africains veulent ĂȘtre de vrais partenaires du reste du monde.
Au demeurant, lâAfrique attend un vrai partenariat et nos alliĂ©s que vous ĂȘtes (sans rancune et dans un esprit ouverts) doivent faire un effort pour accepter lâesprit dâun tel partenariat. LâAfrique veut coopĂ©rer avec ses alliĂ©s sur la base de ses intĂ©rĂȘts bien compris comme vous le faites-vous mĂȘmes en dĂ©fendant vos intĂ©rĂȘts. Pour ce faire, vous devez vous dĂ©faire des imaginaires qui sont en grande partie forgĂ©s ici Ă Berlin.
Au demeurant, les prioritĂ©s actuelles de lâAfrique dans ses relations avec vous et le reste du monde, câest dâĆuvrer Ă une meilleure reprĂ©sentativitĂ© du continent sur la scĂšne internationale, la rĂ©paration les crimes coloniaux et la restitution de son patrimoine culturel qui est Ă plus de 90% Ă lâextĂ©rieur du continent dans les grands musĂ©es selon les chiffres de lâUnesco. Câest Faire justice vers la rĂ©paration de Berlin.
Ici nous voulons fĂ©liciter le peuple et le gouvernement allemand pour votre courage Ă affronter votre histoire en gĂ©nĂ©ral et votre histoire coloniale en particulier dans une discussion sincĂšre et franche avec certaines de nos anciennes colonies dont la Namibie. Vous avez pris la dĂ©cision courageuse de rĂ©parer les crimes commis. Je vous fĂ©licite et prie lâassistance de vous applaudir.
Avant de conclure, je voudrais rappeler ceci.
Notre objectif n’est pas de ressasser les actes odieux de la colonisation et de l’impĂ©rialisme qu’il convient aujourdâhui de classer dans la catĂ©gorie crimes contre l’humanitĂ© et de GENOCIDE. Notre objectif majeur est de lever le voile sur ce cĂŽtĂ© trop longtemps ignorĂ© dans les rĂ©cits et enseignements, Ă savoir les victimes et les stigmates que portent encore les descendants que nous sommes ainsi que la condition de l’Afrique pillĂ©e, meurtrie, Ă©cartelĂ©e et marginalisĂ©e par des siĂšcles d’exploitation et de domination sous la forme de la colonisation et de l’impĂ©rialisme continu. Il n’est pas de nos coutumes de cultiver la rancĆur et la vengeance. Mais il est de l’exigence de la raison d’entretenir la mĂ©moire des souffrances vĂ©cues et surtout d’exiger la rĂ©paration des torts et injustices. Ma gĂ©nĂ©ration Ă la profonde conviction que certains ne tirent pas suffisamment leçon du passĂ© et les vellĂ©itĂ©s de rĂ©cidiver ne semble pas avoir quittĂ© leurs esprits. Le vrai repentir, c’est que ceux qui ont partagĂ© et pillĂ© l’Afrique financent, je ne dis pas aident, plus sĂ©rieusement son relĂšvement, le recollement de ses morceaux et son dĂ©veloppement soutenu et durable.
En conclusion , je voudrais en toute sincĂ©ritĂ©, amitiĂ©, fraternitĂ©, et parce que je suis ici Ă Berlin la capitale dans laquelle lâAfrique a Ă©tĂ© divisĂ© comme un gĂąteau par les grandes puissances, vous dire cette vĂ©ritĂ© a la lumiĂšre de lâImpĂ©ratif catĂ©gorique kantien qui exprime le principe d’humanitĂ© de la maniĂšre suivante : « Agis de telle maniĂšre que tu traites l’humanitĂ©, soit dans ta propre personne, soit dans la personne de tout autre, jamais simplement comme un moyen, mais toujours en mĂȘme temps comme une fin » qui est le fil conducteur de mes propos:
â Non nous ne voulons plus servir vos intĂ©rĂȘts contre les intĂ©rĂȘts de nos pays, de notre continent de nos populations, nous voulons ĂȘtre des alliĂ©s sĂ»rs
â Non, nous ne voulons plus ĂȘtre manipulĂ© par qui que ce soit,
â Non, nous ne voulons plus ĂȘtre infantilisĂ©
Nous voulons rester nous-mĂȘmes, nous-mĂȘmes et nous-mĂȘmes dans le respect et la dignitĂ©.