Ministre des Affaires EtrangÚres, de l'intégration Régionale et des Togolais de l'Extérieur - Togo
NĂ©gociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique

Prof. Robert Dussey

Ministre des Affaires EtrangÚres, de l'intégration Régionale et des Togolais de l'Extérieur - Togo
NĂ©gociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique​

ALLOCUTION DE S.E. PROF. ROBERT DUSSEY A BERLIN LORS DU SYMPOSIUM DES 140 ANS DE LA CONFERENCE DE BERLIN

THÈME :

LA CONFÉRENCE DE BERLIN 1884-1885 OU Â«Â LE PARTAGE DE L’AFRIQUE SANS L’AFRIQUE »

Monsieur Stefan Wintels, PrĂ©sident du conseil d’administration de KfW

Prof. Dr. Horst Kohler, Ancien PrĂ©sident de la RĂ©publique  FĂ©dĂ©rale d’Allemagne

Mme Ellen Johnson-Sirleaf, Ancienne présidente de la République du Liberia

ChĂšre Juliana Lumumba, ancienne Ministre de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo

Chers organisateurs de l’évĂšnement qui nous rĂ©unit en ce jour,

Mesdames et Messieurs, chers amis de la presse Ă  vos rangs et grades respectifs

Il y a, de nos jours, un ardent besoin de dialogue entre l’Afrique et l’Europe et des occasions de ce genre sont des moments de dialogue qui ne disent pas leur nom. C’est pourquoi, je voudrais fĂ©liciter les promoteurs de cet Ă©vĂšnement et les remercier pour l’invitation qui m’a Ă©tĂ© faite de prendre la parole pour partager avec vous mes vues et convictions sur la ConfĂ©rence de Berlin de la fin du XIXe siĂšcle et ses implications pour l’Afrique en tant que continent, mais aussi en tant qu’actrice de la scĂšne internationale.

L’Afrique avec une Superficie de 30 370 000 km2 ; est plus grande que toute l’Europe, la Chine et les Etats-Unis rĂ©unit. L’Afrique possĂšde 60% des terres arables, 90% des rĂ©serves de matiĂšres premiĂšres, 40% des rĂ©serves mondiales d’or. L’Afrique regorge de 33% des rĂ©serves mondiales de diamant, 80% des rĂ©serves mondiales de coltan, mĂ©tal  utilisĂ© pour la production de tĂ©lĂ©phone et l’électronique surtout en RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo, 60% des rĂ©serves mondiales de cobalt, mĂ©tal utilisĂ© pour la fabrication de batterie de voiture. L’Afrique est riche en pĂ©trole, en gaz naturel, en manganĂšse en fer, en bois
.Les terres agricoles en RDC seulement sont capables de nourrir toute l’Afrique. La population mondiale des jeunes en Afrique devraient atteindre 25.000.000 d’ici 2050. L’Afrique reprĂ©sente l’avenir de l’humanitĂ©. Oui c’est cet immense continent que vous aviez divisĂ©, partagĂ© selon vos intĂ©rĂȘts sans tenir compte des intĂ©rĂȘts des africains.

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de me retrouver en Allemagne, votre pays dont j’ai des annĂ©es  durant bu du lait de vos imminents penseurs  qui ont façonnĂ©s la pensĂ©e europĂ©enne en gĂ©nĂ©rale et celle du siĂšcle des lumiĂšres en particulier. Je voudrais citer ici: Friederich Hegel, Martin Heidegger, Edmund Husserl, Anna Arendt, Arthur Schopenhauer, Karl Max, JĂŒrgen Habermas, Theodore Adorno, 
 Leo Strauss, Karl Jaspers et bien sĂ»r Emmanuel Kant dont je suis un disciple de la pensĂ©e. J’ai eu l’opportunitĂ© dĂ©jĂ  d’intervenir ici dans les universitĂ©s allemandes, dans un cadre d’échanges d’expĂ©rience interuniversitaire, Ă  dispenser dans le passĂ© des cours
 Et c’est fort de cette amitiĂ© que je voudrais en tant que kantien que l’on se pose ensemble les trois questions auxquelles l’ensemble de sa philosophie s’est efforcĂ©e de rĂ©pondre: QUE PUIS CONAITRE? Que dois-je savoir sur la confĂ©rence de Berlin ?  Que m est-il permis d’espĂ©rer?  Ou autrement dit Que s’était-il passĂ©? Que s’était-il dit ici Ă  Berlin ? 

J’ai beaucoup d’amis ici parmi vous et en tant qu’ami, je voudrais ĂȘtre sincĂšre avec vous et aussi vous dire la vĂ©ritĂ©. La sincĂ©ritĂ©  est l’identitĂ© de l’ĂȘtre et du paraĂźtre, de l’intĂ©rieur et de l’extĂ©rieur, la parfaite transparence Ă  soi-mĂȘme. On ne se connaĂźt qu’en s’arrangeant, et lorsque nous savons ce que nous sommes, nous ne sommes dĂ©jĂ  plus ce que nous Ă©tions.Du point de vue de Kant, l’absence de sincĂ©ritĂ© tient d’abord au fait de vouloir simuler des convictions que l’on n’a pas, en allant jusqu’Ă  se cacher Ă  soi-mĂȘme ses propres doutes, et en exigeant des autres qu’eux aussi ils simulent la conviction.

La vĂ©ritĂ© est  dĂ©finie comme l’adĂ©quation entre un jugement et la rĂ©alitĂ©. Pour le sens commun, une proposition ou une thĂ©orie est « vraie » lorsqu’elle est conforme au rĂ©el et qu’elle peut ĂȘtre attestĂ©e par l’observation ou par l’expĂ©rimentation. Ici le rĂ©el est clair, les faits sont lĂ .

Pour nous Africains, Berlin, cette belle ville, symbolise le partage de l’Afrique sans l’Afrique. 

###En Afrique, avant l’esclavage, la vie des africains Ă©tait assez similaire Ă  celle des europĂ©ens qui nous ont asservi plus tard. Certains vivaient dans de grandes villes, d’autres dans des petites villes, d’autres encore vivaient Ă  la campagne. Certains Ă©taient riches, d’autres pauvres
..

Quelles sont les structures de l’organisation de la sociĂ©tĂ© africaine ?

Elles sont utiles pour la comprĂ©hension des trois ordres qui caractĂ©risent principalement les sociĂ©tĂ©s africaines : le lignage, la chefferie et l’État hybride.

L’Afrique est restĂ©e longtemps une terra incognita, mais que, mĂȘme si de la pĂ©riode homĂ©rique (VIIIe siĂšcle avant notre Ăšre) Ă  celle d’HĂ©rodote (Ve siĂšcle avant notre Ăšre), l’Afrique Ă©tait vue comme un continent obscur, ses contacts avec l’extĂ©rieur existaient nĂ©anmoins. Tout ceci se transforme bien avant le dĂ©but de la colonisation. Celle-ci marque plus un changement qu’un dĂ©but d’insertion de l’Afrique dans le systĂšme europĂ©en dont les contours, mĂȘme s’ils n’étaient pas encore dĂ©finitivement stabilisĂ©s, Ă©taient alors relativement clairs.

La rĂ©ponse. A la question fondamentale Ă  la lumiĂšre de la philosophie d’Emmanuel Kant est que LA CONFÉRENCE DE BERLIN A CONDUIT À LA PARTITION DE L’AFRIQUE sans les Africains et a l’établissement de frontiĂšres arbitraires entre les territoires coloniaux sources de conflits inter ethniques, Étatiques
..etc.

À Berlin, l’Afrique Ă©tait prĂ©sente tout en Ă©tant absente. Elle a Ă©tĂ© prĂ©sente en tant que butin dont il faut dĂ©finir les conditions du partage et a Ă©tĂ© au cƓur de la confĂ©rence sans ĂȘtre partie prenante. Le prĂ©sent et l’avenir durable de l’Afrique ont Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©s en Europe ici en Allemagne sans l’Afrique et en absence de l’Afrique. Et l’absence de dĂ©lĂ©gations africaines Ă  la confĂ©rence de Berlin signifie que les intĂ©rĂȘts et les perspectives des Africains n’ont pas Ă©tĂ© pris en compte.

La ConfĂ©rence de Berlin avait pour but de rĂ©guler la colonisation et le commerce en Afrique pour Ă©viter les conflits entre puissances europĂ©ennes, d’établir des rĂšgles entre europĂ©ens pour la reconnaissance des revendications territoriales. La suite est connue. L’Afrique a Ă©tĂ© de façon systĂ©matique envahie malgrĂ© les rĂ©sistances hĂ©roĂŻques de nos peuples.

Ce qui s’était passĂ© Ă  Berlin entre le 15 novembre 1884 et le 26 fĂ©vrier 1885 ne serait pas aussi choquant et humainement inacceptable s’il ne s’agissait pas du sort de tout un continent et Ă  l’époque de plus de 100 millions de personnes dont le destin immĂ©diat, proche et futur Ă©tait engagĂ©. Berlin avait servi de cadre Ă  un dessein aussi funeste que le projet impĂ©rial et colonial europĂ©en.

AprĂšs, l’impĂ©rialisme europĂ©en s’était imposĂ© avec brutalitĂ© Ă  l’Afrique et s’est rendu coupable des crimes et assassinats de masse. La brutalitĂ© s’était exprimĂ©e par des viols des femmes africaines, la violence policiĂšre, les massacres et la dĂ©portation des rĂ©sistants, la perpĂ©tration des actes de crimes contre l’humanitĂ© et de gĂ©nocides. 

Mesdames et Messieurs,

La philosophie de Kant est gĂ©nĂ©ralement comprise comme une philosophie purement spĂ©culative. Cependant, elle est directement issue de prĂ©occupations pratiques, et vise Ă  la solution de problĂšmes pratiques.  Kant est profondĂ©ment touchĂ© par la chose politique.  L’Ɠuvre majeure de Kant, la critique de le raison pure est indissociable dans son inspiration de la critique de la raison pratique et de la MĂ©taphysique des mƓurs.  Et c’est fort de ce dernier ouvrage que nous continuerons notre rĂ©flexion sur les consĂ©quences de Berlin sur la vie des africains. Ce que nous voulons, c’est discuter  avec sincĂ©ritĂ© de la ConfĂ©rence de Berlin, aborder l’histoire coloniale et parvenir Ă  un apprentissage et une mĂ©moire commune mĂȘme quand elle semble difficile Ă  accepter  afin d’approfondir le partenariat africano-europĂ©en et de discuter ensemble de notre futur commun. Pour ce faire, nous devons nous dire la vĂ©ritĂ©. Car  Pendant la colonisation, la quasi-totalitĂ© des peuples d’Afrique ont Ă©tĂ© privĂ©s de leurs droits Ă  disposer d’eux-mĂȘmes. Le colonialisme Ă©tait un rĂ©gime incompatible avec la libertĂ© des peuples colonisĂ©s, avec ce qu’AimĂ© CĂ©saire a appelĂ© le «droit Ă  l’initiative historique » des peuples colonisĂ©s. L’Afrique a Ă©tĂ© soumise Ă  la domination sur fond d’imposition de ce que le philosophe africain Valentin-Yves Mudimbe a appelĂ© dans son beau livre L’invention de l’Afrique « la bibliothĂšque coloniale ».  

L’Europe n’a pas Ă©tĂ© seulement brutale envers l’Afrique. Elle avait liĂ© brutalitĂ© et malice, elle dĂ©structurait le continent tout en prĂ©tendant l’ouvrir Ă  la civilisation et aux bienfaits de l’économie et du commerce dans un monde en marche vers le progrĂšs. Elle a tentĂ© de justifier ses crimes en s’octroyant une prĂ©tendue mission civilisatrice. Ignorait-elle que l’Afrique est le berceau des civilisations millĂ©naires qui, suivant Cheikh Anta Diop, avait mis l’humanitĂ© dans son ensemble sur la voie de la civilisation ?

À la vĂ©ritĂ©, pour citer AimĂ© CĂ©saire du Discours sur le colonialisme, la colonisation, c’est des « sociĂ©tĂ©s vidĂ©es d’elles-mĂȘmes, de cultures piĂ©tinĂ©es, d’institutions minĂ©es, de terres confisquĂ©es, de religions assassinĂ©es, de magnificences artistiques anĂ©anties, d’extraordinaires possibilitĂ©s supprimĂ©es ». CĂ©saire avait eu en son temps l’audace de la vĂ©ritĂ© lorsqu’il ne voyait dans la colonisation rien d’autre que la dĂ©shumanisation et jamais une mission civilisatrice.

Le colonialisme, disait pour sa part Frantz Fanon, c’est « la violence Ă  l’état de nature », il est « une nĂ©gation systĂ©matisĂ©e de l’autre, une dĂ©cision forcenĂ©e de refuser Ă  l’autre tout attribut d’humanitĂ© ».

Nous, Africains, avions des raisons d’en vouloir Ă  l’Europe puisqu’on ne traite pas ses voisins aussi cruellement comme l’Europe l’avait fait suite Ă  la ConfĂ©rence de Berlin. L’éthique de la responsabilitĂ© chĂšre Ă  Max Weber avait manquĂ© aux politiques europĂ©ens qui s’étaient rendus coupables des crimes contre les peuples d’Afrique.

Mesdames et messieurs,

Le choc de la confĂ©rence de Berlin nous conduit Ă  la formulation d’un « impĂ©ratif catĂ©gorique » de Kant qui dit : « Agis uniquement d’aprĂšs une maxime telle que tu puisses vouloir en mĂȘme temps qu’elle devienne une loi universelle », ou encore : « Agis comme si la maxime de ton action devait ĂȘtre Ă©rigĂ©e par ta volontĂ© en loi universelle de la nature. » Le mensonge, la dissimulation deviennent le prototype de l’acte immoral : la volontĂ© s’y contredit elle-mĂȘme. L’acte moral, a contrario, rĂ©vĂšle une raison pratique, un usage rĂ©gulateur pour l’action du principe de non-contradiction ou d’universalitĂ© formelle. Kant dĂ©duit de ce principe des applications aux problĂšmes moraux traditionnels. Il faut comprendre que le « respect » de la loi morale se confond avec la « dignitĂ© » de l’homme. L’impĂ©ratif catĂ©gorique peut alors se reformuler : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanitĂ©, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en mĂȘme temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »

Le passĂ© colonial est un passĂ© qui ne passe pas, qui refuse de passer parce que l’Afrique en garde une mĂ©moire vive. Les peuples d’Afrique  sont accueillants et respectueux.  Mais ils ont la mĂ©moire des crimes coloniaux et cette mĂ©moire structure leurs rapports Ă  l’Europe.

Curieusement, l’esprit colonial demeure prĂ©sent chez plusieurs pays anciens colonialistes et gouverne leurs comportements envers l’Afrique. RĂ©gis Debray a vu juste lorsqu’il a affirmĂ© que les pays europĂ©ens ont enlevĂ© le casque de la colonisation tout en gardant une tĂȘte coloniale. Certaines anciennes puissances colonisatrices continuent de voir en l’Afrique leur terre d’influence et cela est inacceptable pour nous gĂ©nĂ©rations d’Africains actuels.

Ce qui se passe au Conseil de SĂ©curitĂ© des Nations Unies depuis bientĂŽt 80 ans malgrĂ© des demandes pressantes de rĂ©formes de l’Afrique est comparable Ă  des confĂ©rences de Berlin bis oĂč les grandes puissances dĂ©cident du sort de l’Afrique sans la prĂ©sence de l’Afrique et sans tenir compte des perspectives africaines.

Le sort qui continue d’ĂȘtre celui de l’Afrique sur la scĂšne internationale est en partie le rĂ©sultat de la colonisation de l’Afrique, donc de la ConfĂ©rence de Berlin. L’Afrique est le seul continent au monde qui continue d’ĂȘtre manipule de l’extĂ©rieur et qui est au cƓur des convoitises du monde. C’est cette Afrique-lĂ  que nous ne voulons plus et tout ceux qui entendent entretenir de bonnes relations avec l’Afrique qui n’ont pas encore compris cela se trompe d’Ă©poque et de la rĂ©alitĂ© de ce que l’Afrique est en passe de devenir.

Notre gĂ©nĂ©ration appartient Ă  l’Afrique qui a dĂ©cidĂ© de reprendre en main propre son Histoire, d’ĂȘtre elle-mĂȘme sur la grande scĂšne de l’Histoire universelle. De la ConfĂ©rence de Berlin Ă  la pĂ©riode d’occupation coloniale en passant par les annĂ©es des indĂ©pendances et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud jusqu’au temps actuels, l’Afrique est passĂ©e du statut d’un « continent chosifiĂ© », pour reprendre un concept de la philosophe allemande un continent « rĂ©ifiĂ© » Ă  celui d’un continent qui, suivant l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, entend dĂ©sormais agir « en tant qu’acteur et partenaire fort, uni et influent sur la scĂšne mondiale ».

140 ans aprĂšs la confĂ©rence de Berlin, l’Afrique entend d’ĂȘtre au centre de ses propres dĂ©cisions, s’autodĂ©terminer, parler d’elle-mĂȘme et porter sa propre voix sur la scĂšne internationale. Le renouveau actuel de l’idĂ©al panafricain sur le continent et chez les diasporas africaines devrait ĂȘtre compris comme tel.

Mesdames et Messieurs chers amis et participants, loin de nous l’idĂ©e de faire un procĂšs Ă  l’Europe car pour nous africain nous partagerons au sens kantien une humanitĂ© commune, surtout que l’Afrique est le berceau de l’humanitĂ©. Mais sachez ceci:

L’Afrique ne veut plus s’aligner sur les grandes puissances quelles qu’elles soient. Le rĂŽle assignĂ© Ă  l’Afrique se rĂ©sume en votre zone d’influence. L’Afrique ne revĂȘt un intĂ©rĂȘt aux yeux de certaines puissances (je dis bien certaines, pas toutes) issue de la confĂ©rence de Berlin que lorsqu’elles se retrouvent en difficultĂ©. Aujourd’hui, l’Afrique n’occupe pas la place qu’elle devrait tenir sur la scĂšne internationale.

Pour certains d’entre vous, le continent africain n’a pas de rĂŽle Ă  jouer en tant qu’acteur « majeur » au sens kantien du terme sur la scĂšne internationale. 

Depuis Berlin il y a 140 ans, Les grandes puissances veulent rĂ©duire l’Afrique Ă  une entitĂ© purement instrumentale au service de leurs causes et ne veulent visiblement pas que le continent puisse jouer un rĂŽle important. 

Mais aujourd’hui,  s’il vous plaĂźt, faites attention. Écoutez ce que je vous dis. Mes propos sont amicaux. 

L’Afrique a pris conscience de sa responsabilitĂ© propre et parle de plus en plus d’une seule et mĂȘme voix. L’Afrique veut ĂȘtre elle -mĂȘme, elle ne veut plus se faire manipuler.

L’Afrique attend Ă  plus d’égalitĂ©, de respect, d’équitĂ© et de justice dans ses relations et partenariats avec le reste du monde. Aujourd’hui les africains veulent ĂȘtre de vrais partenaires du reste du monde.

Au demeurant, l’Afrique attend un vrai partenariat et nos alliĂ©s  que vous ĂȘtes (sans rancune et dans un esprit ouverts) doivent faire un effort pour accepter l’esprit d’un tel partenariat. L’Afrique veut coopĂ©rer avec ses alliĂ©s sur la base de ses intĂ©rĂȘts bien compris comme vous le faites-vous mĂȘmes en dĂ©fendant vos intĂ©rĂȘts. Pour ce faire, vous devez vous  dĂ©faire des imaginaires qui sont en grande partie forgĂ©s ici Ă  Berlin. 

Au demeurant, les prioritĂ©s actuelles de l’Afrique dans ses relations avec vous et le reste du monde, c’est d’Ɠuvrer Ă  une meilleure reprĂ©sentativitĂ© du continent sur la scĂšne internationale, la rĂ©paration les crimes coloniaux et la restitution de son patrimoine culturel qui est Ă  plus de 90% Ă  l’extĂ©rieur du continent dans les grands musĂ©es selon les chiffres de l’Unesco.  C’est Faire justice vers la rĂ©paration de Berlin. 

Ici nous voulons fĂ©liciter le peuple et le gouvernement allemand pour votre courage Ă  affronter votre histoire en gĂ©nĂ©ral et votre histoire coloniale en particulier dans une discussion sincĂšre et franche avec certaines de nos anciennes colonies dont la Namibie. Vous avez pris la dĂ©cision courageuse de rĂ©parer les crimes commis. Je vous fĂ©licite et prie l’assistance de vous applaudir.

Avant de conclure, je voudrais rappeler ceci.

Notre objectif n’est pas de ressasser les actes odieux de la colonisation et de l’impĂ©rialisme qu’il convient aujourd’hui de classer dans la catĂ©gorie crimes contre l’humanitĂ© et de GENOCIDE. Notre objectif majeur est de lever le voile sur ce cĂŽtĂ© trop longtemps ignorĂ© dans les rĂ©cits et enseignements, Ă  savoir les victimes et les stigmates que portent encore les  descendants  que nous sommes ainsi que la condition de l’Afrique pillĂ©e, meurtrie, Ă©cartelĂ©e et marginalisĂ©e  par des siĂšcles d’exploitation et de domination sous la forme de la colonisation et de l’impĂ©rialisme continu. Il n’est pas de nos coutumes de cultiver la rancƓur et la vengeance. Mais il est de l’exigence de la raison d’entretenir la mĂ©moire des souffrances vĂ©cues et surtout d’exiger la rĂ©paration des torts et injustices.  Ma gĂ©nĂ©ration Ă  la profonde conviction que certains ne tirent pas suffisamment leçon du passĂ© et les vellĂ©itĂ©s de rĂ©cidiver ne semble pas avoir quittĂ© leurs esprits. Le vrai  repentir, c’est que ceux qui ont partagĂ© et pillĂ© l’Afrique financent, je ne dis pas aident, plus sĂ©rieusement son relĂšvement, le recollement de ses morceaux et son dĂ©veloppement  soutenu et durable.

En conclusion , je voudrais en toute sincĂ©ritĂ©, amitiĂ©, fraternitĂ©, et parce que je suis ici Ă  Berlin la capitale dans laquelle l’Afrique a Ă©tĂ© divisĂ© comme un gĂąteau par les grandes puissances, vous dire cette vĂ©ritĂ© a la lumiĂšre de l’ImpĂ©ratif catĂ©gorique kantien qui exprime le principe d’humanitĂ© de la maniĂšre suivante : « Agis de telle maniĂšre que tu traites l’humanitĂ©, soit dans ta propre personne, soit dans la personne de tout autre, jamais simplement comme un moyen, mais toujours en mĂȘme temps comme une fin » qui est le fil conducteur de mes propos:

⁃ Non nous ne voulons plus servir vos intĂ©rĂȘts contre les intĂ©rĂȘts de nos pays, de notre continent de nos populations, nous voulons ĂȘtre des alliĂ©s sĂ»rs

⁃ Non, nous ne voulons plus ĂȘtre manipulĂ© par qui que ce soit,

⁃ Non, nous ne voulons plus ĂȘtre infantilisĂ©

Nous voulons rester nous-mĂȘmes, nous-mĂȘmes et nous-mĂȘmes dans le respect et la dignitĂ©.

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