Excellence M. le ministre délégué, ministre Yackoley JOHNSON
Excellences mesdames et messieurs les ambassadeurs, représentants permanents et chefs de missions diplomatiques accrédités auprès des Nations Unies à Genève,
Excellence madame Ann-Kathrye Lassègue, coordinatrice du groupe des ambassadeurs de la CARICOM,
Excellence monsieur Volker Turk, Haut-commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme,
Excellence monsieur Jurg Lauber, Président du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies
Mesdames et messieurs les responsables des organisations de la société civile africaine et diasporique,
Distingués invités,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais, avant toute chose, vous remercier pour votre présence remarquable à cet événement de haut niveau qui témoigne de l’intérêt que vous portez à la cause des peuples d’Afrique et qui manifeste votre engagement à poursuivre la lutte en faveur des intérêts légitimes de notre continent, y compris les plus méprisés.
Mesdames et messieurs,
Porter ce combat pour l’Afrique, surtout en ces temps si troublés marqués par des enjeux complexes, requiert audace et inventivité. Les enjeux de l’heure nous engagent, en effet, à veiller, plus qu’auparavant, et à ne pas reculer devant l’adversité ou le silence méprisant. Ils nous engagent également à nous réinventer dans un rôle davantage proactif et plus décisif dans la quête commune d’écoute, de justice et de respect.
Notre combat est pour l’Afrique. Il n’est contre personne, sinon ceux qui refusent de faire justice. Nos peuples ont, en effet, soif d’une justice qui tarde à se manifester à leur égard depuis des siècles. Leur humanité a été déniée et offerte aux enchères durant la traite transatlantique ; leur identité a été capturée et délocalisée ailleurs avec les déportations ; leurs corps, biens et cultures ont été meurtris, spoliés et piétinés pendant la colonisation. Tout est passé en Afrique, du plus ignoble au plus cruel, sauf la justice.
D’où ce cri des peuples d’Afrique que je relaie ici, au Palais des nations, temple du droit international : JUSTICE FOR AFRICA NOW !
Mesdames et messieurs,
L’ordre mondial établi au lendemain de la seconde guerre mondiale a gardé hors de ses murailles protectrices les siècles d’injustices subies par l’Afrique et ses peuples. Les cris pour la justice des peuples d’Afrique sont trop longtemps restés inaudibles dans ces enceintes protégées et dans la conscience collective endormie par le déni et le mépris.
A l’heure où l’ordre mondial se recompose, il est plus qu’urgent de faire entendre la voix souffrante de l’Afrique ainsi que les attentes les plus exigeantes de nos peuples.
Puisque par la force des destins ont été brisés, par le droit la réparation doit être assurée.
Et qui mieux que les Nations Unies pour faire enfin justice à l’Afrique par le droit ?
Excellences,
Mesdames et messieurs,
« Mon pays, le Togo, une nation éprise de paix, de justice et d’entente entre les peuples, a bien compris que face à l’injustice, il faut bien un courageux pour commencer à dénoncer, des volontés pour l’écouter et un cadre concerté pour en parler. Mon pays aussi et surtout compris que nos institutions communes, l’Union Africaine et les Nations Unies, ne peuvent pas tout, surtout lorsque l’impulsion ne vient pas des Etats.
C’est pourquoi, sous le leadership de Son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBE, Président du Conseil de la République Togolaise, nous avons commencé à poser les bases d’un cadre juridique en initiant une décision adoptée par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine, le 16 février 2025 à Addis Abeba, à l’unanimité de ses membres, sur la qualification de l’esclavage, de la déportation et de la colonisation comme crimes contre l’humanité et génocide contre les peuples d’Afrique.
Cette décision historique, qui vient après celle de 2021 ayant abouti à l’adoption par l’Union Africaine de la décennie 2021-2031 Décennie des racines africaines et de la diaspora africaine, est le fruit d’un engagement constant et résolu du gouvernement togolais, convaincu que les crimes et injustices à l’encontre de l’Afrique ne doivent plus être ignorés et pire restés non réparés.
Nous sommes, en effet, profondément persuadés que la justice est le meilleur ciment pour surmonter les blessures du passé et pour construire un avenir emprunt d’entente et de concorde entre les peuples du monde. Repousser le calendrier du dialogue et de la réparation c’est thésauriser pour les générations à venir les rancœurs et les incompréhensions du passé.
Mesdames et messieurs,
Les injustices historiques ne doivent plus être vues comme une cause exclusivement africaine. Ces crimes ont blessé l’humanité dans son essence. Ils révèlent la faillite de la conscience collective qui n’a pas su protéger, dénoncer ou réparer l’ignominie faite à l’Afrique et à ses peuples. Les dénoncer et exiger une juste réparation ne doit plus être le seul apanage des peuples d’Afrique.
C’est pourquoi j’appelle instamment les Nations unies et toutes les nations éprises de paix et de justice à entendre les voix inconsolées d’Afrique et à entreprendre sans délai des initiatives concrètes pour marquer leur refus de prolonger le silence sur ces crimes indicibles et surtout pour offrir une voie de réparation par le droit aux peuples d’Afrique qui portent encore les stigmates de ce passé douloureux.
L’indulgence et la mansuétude de la communauté internationale à l’égard des responsables et bénéficiaires historiques de ces crimes affreux et intolérables créent un terreau fertile à la résurgence du complexe de supériorité, d’impunité et d’invulnérabilité vis-à-vis des normes internationales. Cela induit également chez les peuples d’Afrique l’impression d’une hiérarchie des victimes au niveau international : la gravité de l’acte et l’émoi qui en découle semblant être appréciés à l’aune de l’origine raciale ou géographique de la victime.
Une impression de deux poids deux mesures qui écorne l’image des institutions internationales censées garantir pour tous justice et équité.
Mesdames et messieurs,
Face à ces impressions légitimes, prendre des initiatives fortes et courageuses dès maintenant pour répondre vigoureusement à la soif de justice de nos peuples me semble être la voie indiquée pour permettre aux institutions multilatérales de restaurer leur crédibilité et surtout de rétablir la confiance entamée de nos pays dans l’idéal que ces institutions, si utiles en ces temps troublés, sont censées incarner.
C’est pourquoi, j’en appelle à la mobilisation de tous et au sens élevé de responsabilité de nos institutions communes pour initier sans délai un projet de résolution qui nous permettrait de sortir de l’africanisation de la cause des réparations pour aller vers un processus global, inclusif et concerté de justice et de réparation pour les peuples d’Afrique par le droit.
Je vous remercie