Ministre des Affaires EtrangÚres, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
NĂ©gociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique

Prof. Robert Dussey

Ministre des Affaires EtrangÚres, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
NĂ©gociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique​

Discours d’ouverture de la 107e session du Conseil des ministres de l’ACP

Madame la PrĂ©sidente, 

Monsieur le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, 

Mesdames et messieurs,


Aujourd’hui oĂč le Groupe ACP soumet au questionnement sa propre prĂ©sence au monde, s’interroge sur les raisons d’ĂȘtre de son existence, sur ses propres fins entendues ici comme telos ou buts et cherche Ă  redessiner son partenariat avec l’Union europĂ©enne Ă  l’expiration, en 2020, de l’Accord de Cotonou, il nous faut rĂ©affirmer le sentiment commun d’appartenance Ă  notre groupe et notre commune dĂ©pendance. Le sentiment d’appartenance commune et de commune dĂ©pendance, ce sentiment que valorisaient tant les stoĂŻciens grecs de l’AntiquitĂ© et qu’ils rapportaient au cosmos, doit nous inspirer et raffermir en nous la solidaritĂ© organisationnelle oĂč se joue la dialectique du multiple et de l’Un, des parties et du Tout. 

Nos populations nous attendent. Leur droit lĂ©gitime au dĂ©veloppement doit nous inciter Ă  Ă©viter lors de cette Session le « syndrome du bateau ivre », ce syndrome qui traduit une espĂšce de nausĂ©e, la situation hypothĂ©tique d’un navire en perte de repĂšre. « Il n’est point de vent favorable pour celui qui ne sait oĂč il va » disait SÉNÈQUE dans ses Lettres Ă  Lucilius.

La logique d’unitĂ© doit guider nos pas. Nous devons aborder les futures nĂ©gociations avec l’UE en tant que groupe uni, en tant que « pĂŽle de responsabilitĂ© collective » soudĂ©. S’il est vrai que l’unitĂ© du Groupe ACP en tant que pĂŽle multilatĂ©ral de responsabilitĂ© collective ne peut signifier rien d’autre qu’une « unitĂ© plurielle », ou mieux, une « unitĂ© dans la diversitĂ© », pour reprendre JĂŒrgen HABERMAS dans son livre AprĂšs l’Etat-nation, en raison des spĂ©cificitĂ©s propres Ă  chaque ensemble continental, les spĂ©cificitĂ©s et divergences ne doivent pas cependant avoir raison de notre sens de l’unitĂ©. 

En restant uni, nous pouvons travailler ensemble et renforcer la souverainetĂ© positive de nos Etats, autrement dit leur capacitĂ© d’action externe et interne. L’unitĂ© d’action au rang des ACP aidera sans doute nos Etats Ă  faire dĂ©croĂźtre les inĂ©galitĂ©s et Ă  faire reculer les frontiĂšres de la pauvretĂ©, Ă  faire sortir nos Etats et populations de la situation d’inconfort actuelle.

L’enjeu, c’est la guerre au manque de dĂ©veloppement dans nos pays, Ă  la « pauvretĂ© absolue » et « objective ». L’état du monde actuel quasiment comparable Ă  l’état de nature de Thomas Hobbes nuit au Groupe des ACP et Ă  leurs populations. Changer cet Ă©tat insoutenable, voilĂ  ce qui doit ĂȘtre l’objectif de ce cadre de coopĂ©ration Sud-Sud. N’oublions pas que l’un des objectifs des ACP est d’« Ɠuvrer Ă  la promotion d’un nouvel ordre mondial plus juste et plus Ă©quitable ». 

Ce dĂ©fi qui reste actuel 43 ans aprĂšs l’Accord originel de Georgetown donne Ă  rĂ©flĂ©chir et nous appelle Ă  la logique d’unitĂ©. Ce n’est pas en Ă©tant ensemble que nous ne sommes pas fĂ©cond, c’est plutĂŽt parce que jusque-lĂ  nous n’avons pas assez agi ensemble. La force rĂ©side dans l’unitĂ©.

L’heure est Ă  l’urgence du rassemblement, ou pour parler comme Edgar Morin, Ă  « l’urgence de l’essentiel ».


Madame la Présidente,

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et messieurs,

 

Ces tendances centrifuges, auxquelles nous devons nous opposer de toutes nos forces, doivent tout de mĂȘme nous amener Ă  nous interroger sur les facteurs qui nourrissent ce courant. Nous sommes Ă  la croisĂ©e des chemins oĂč nous devons avoir le courage de voir en toute objectivitĂ© la rĂ©alitĂ© afin de dresser un diagnostic clair de nos difficultĂ©s et leur trouver des solutions qui s’imposent. Le cĂ©lĂšbre poĂšte allemand HÖLDERLIN disait bien dans un style hĂ©gĂ©lien que « lĂ  oĂč croĂźt le pĂ©ril croĂźt aussi ce qui sauve ». Il nous faut faire preuve d’imagination et d’innovations pour sortir de cette situation car comme le dit Albert EINSTEIN, dans les moments de crises ou de difficultĂ©s, « seule l’imagination importe ».

Le Gouvernement de la RĂ©publique Togolaise insiste donc sur la nĂ©cessitĂ© du renforcement de la coopĂ©ration intra-ACP car pour nous dĂ©velopper, nous devons d’abord compter sur nous-mĂȘmes, sur nos propres forces dans une perspective humaniste et de confiance en soi. La confiance en soi, au plan individuel que collectif, comme l’enseigne la gĂ©nĂ©ration actuelle de l’École de Francfort conduite par Axel HONNETH, est le support basique de tout effort de dĂ©veloppement. Notre coopĂ©ration interne nous ouvrira des perspectives stimulantes qui auront sans doute  des impacts sur nos partenariats avec les autres. 

À cet Ă©gard, je me rĂ©jouis que vous ayez inscrit Ă  l’agenda de vos travaux la rĂ©vision de l’Accord de Georgetown et je vous engage Ă  l’examiner dans la droite ligne des orientations donnĂ©es pas nos Chefs d’État et de gouvernement lors des Sommets de Sipopo en 2012 et de Port Moresby en 2016 et de notre document de position Vers les ACP que nous voulons.

L’avenir du Groupe ACP dĂ©pend de notre capacitĂ© d’adaptation aux mutations profondes de l’environnement international. L’avenir n’est pas, pour reprendre les termes d’Henri BERGSON, « ce qui va arriver mais ce que nous allons en faire». L’avenir se prĂ©pare, celui de notre Groupe doit se construire autour de perspectives rĂ©alistes et vitales qui engagent chacun de nos Etats et toute l’organisation. L’heure est Ă  l’action multilatĂ©rale.

Madame la PrĂ©sidente, 

Mesdames et messieurs les Ministres,

Monsieur le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, 

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Mission,

Les prĂ©paratifs en vue des nĂ©gociations du Post Cotonou sont l’autre prĂ©occupation qui sera au cƓur de votre session. Sur ce sujet, il est Ă  observer que le partenaire europĂ©en a dĂ©jĂ  exprimĂ© de façon claire sa vision du futur accord de partenariat.

A votre tour, vous examinerez et adopterez, je l’espĂšre, le mandat de nĂ©gociation du Groupe ACP. La rĂ©union qui s’est tenue le 27 mai ici mĂȘme doit avoir permis de faire des avancĂ©es sur l’examen des questions susceptibles de constituer des blocages sur notre vision commune.

Du cĂŽtĂ© du Groupe ACP, il y a lieu de souligner, pour s’en rĂ©jouir, la croissance Ă©conomique enregistrĂ©e par un certain nombre de pays. La croissance Ă©conomique a permis aux pays en question de se hisser au rang de pays Ă  revenu intermĂ©diaire. Toutefois, les Ă©conomies de ces pays demeurent vulnĂ©rables aux chocs exogĂšnes et il importe de ne pas les abandonner Ă  eux-mĂȘmes. En restant solidaires, nous pourrions mieux rĂ©sister aux crises, accroĂźtre ce qu’Amartya SEN appelle les « capabilitĂ©s » de nos pays et de nos citoyens. Nos populations mĂ©ritent mieux que leurs niveaux et conditions de vie actuelles.

 

Madame la Présidente,

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et messieurs,

Sur ces mots, je déclare ouverte la 107Úme session du Conseil des ministres ACP et souhaite, au nom de notre histoire et du « principe espérance » cher à Ernst BLOCH, plein succÚs à nos travaux.

Vive la coopĂ©ration Sud-Sud, 

Vive les ACP

Je vous remercie.

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