Ministre des Affaires Etrangères, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
Négociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique

Prof. Robert Dussey

Ministre des Affaires Etrangères, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
Négociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique​

Déclaration du Prof. Robert Dussey à la 73e Assemblée Générale des Nations Unies

Madame la Présidente de l’Assemblée générale,

Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies,

Distingués délégués,

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais, avant toute chose, adresser les chaleureuses félicitations du Président de la République Togolaise S. E. M Faure Essozimna GNASSINGBE à Madame la Présidente pour son élection méritée à la Présidence de cette 73ème session ordinaire de l’Assemblée générale et, par la même occasion, lui assurer du soutien de mon pays le Togo.

Je voudrais, par la même occasion, rendre un hommage mérité à votre prédécesseur, Monsieur Miroslav Lajčák pour le coup de maître dont il a fait preuve durant sa Présidence de l’Assemblée Générale.

Il me plait particulièrement de saluer le sens des affaires humaines et la sagesse pratique du Secrétaire général, Monsieur Antonio Guterres, pour son engagement clairement exprimé et son travail quotidien en faveur des principes et valeurs de notre Organisation commune.

Madame la Présidente,

Je voudrais me féliciter de la pertinence du choix de la thématique de cette session. La thématique nous interpelle tous sur un enjeu essentiel parce que fondamental : décentrer l’exercice des responsabilités au niveau des Nations Unies pour mettre l’Institution en phase avec la réalité du monde. Le monde est pluriel et multipolaire. Tenir compte de cette évidence (l’évidence est selon Descartes ce qui ne trompe pas) élargira, à coup sûr, la base de légitimité et l’efficacité de notre Organisation dans le monde.

La réforme des Nations Unies est moins un souhait qu’une nécessité logique. Le monde a évolué, de nouveaux problèmes et nouveaux acteurs ont émergé, la planète est aujourd’hui en souffrance, l’extrémisme violent et le terrorisme menacent le monde, de nouvelles formes de responsabilité sont apparues. Notre Institution, en tant que pôle d’exercice de la responsabilité collective à l’échelle mondiale, doit se mettre à jour dans son organisation et dans son fonctionnement, si elle veut efficacement jouer son rôle d’institution de service à la communauté humaine. L’heure est, pour le dire dans le langage de l’épistémologue Thomas Kuhn, au changement de paradigme.

Madame la Présidente,

Je voudrais ici réitérer l’adhésion et le soutien de mon pays à l’initiative de réforme profonde de notre Organisation engagée par le Secrétaire général, qui a le mérite de reposer sur un processus ouvert et inclusif prenant en compte les trois principaux piliers institutionnels du système des Nations Unies, notamment la paix et la sécurité, le développement et la structure de gestion. Cette initiative de réforme axée sur la restructuration du pilier paix et sécurité aidera à rendre l’Institution plus pragmatique et efficace.

Le lien entre la paix, la sécurité et le développement n’est plus à démontrer. Sans la paix et la sécurité, il n’y a pas de développement durable, l’on ne saurait assurer le développement et bâtir des sociétés résilientes et durables. La nouvelle architecture de paix et de sécurité des Nations Unies doit donc être en relation intrinsèque avec le pilier développement élargi au respect et à la promotion des droits de l’homme ainsi qu’au renforcement de l’action humanitaire.

La réforme en cours devrait repositionner le système de développement des Nations Unies pour l’adapter aux nouvelles exigences liées à la mise en œuvre de l’Agenda 2030 afin d’atteindre à terme les objectifs du développement durable et faire reculer les frontières de la pauvreté objective et celles des inégalités domestiques et mondiales.

Les Nations Unies doivent aider davantage à faire face au manque de développement du monde. Un pas de plus dans la guerre au déficit du développement aidera notre monde à faire sortir des pans entiers de populations à l’échelle du monde de la « misère de position » et de « condition », et permettra de leur redonner autonomie et pouvoir de contrôle sur leurs propres vies.

Le nouveau système de développement de l’Organisation doit s’accommoder avec la nécessité d’édifier un monde dans lequel chaque pays jouit d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable. Il s’agit de réorienter le système avec d’importants ajustements au niveau des compétences, de la direction et des mécanismes de coordination et de responsabilisation.

Cette nouvelle restructuration des mécanismes de développement doit viser également la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Les défis des changements climatiques sont vitaux et la riposte ne doit pas attendre.

Evidemment, dans notre riposte aux défis des changements climatiques, une place non négligeable doit être faite à la promotion des partenariats et des mécanismes innovants de financement du développement, conformément au Programme d’action d’Addis-Abeba.

S’agissant du pilier gestion de la réforme en cours, nous observons avec satisfaction que les changements importants envisagés répondent à la nécessité d’améliorer les méthodes de gestion internes de l’Organisation en assurant la simplification des procédures, la décentralisation de l’action et l’investissement dans l’humain pour mieux répondre aux impératifs de développement durable et de construction d’un monde pacifique. Investir dans l’humain, c’est prendre parti pour le développement et la paix dans le monde.

Somme toute, la réforme dont il s’agit aujourd’hui vise à rendre les Nations Unies plus dynamique et capable. Les défis mondiaux actuels invitent au renforcement des capabilités de fonctionnements des Nations Unies.

Madame la Présidente,

Les défis auxquels l’Afrique fait face actuellement sont immenses. Notre continent reste confronté à de nouvelles formes de crises et de difficultés. L’Afrique abrite malheureusement aujourd’hui des foyers du terrorisme dans certaines de ses régions et pays où les populations qui aspirent légitimement à la quiétude font quotidiennement face aux actes de barbarie qui se nourrissent de l’extrémisme violent, de l’ignorance et l’intolérance religieuses, et du fanatisme idéologique.

La pauvreté persiste en Afrique et les populations africaines sont en quête du mieux-être. Les conséquences des changements climatiques sont terribles et, la migration décime et précarise un pan non négligeable de la jeunesse africaine.

Les enjeux actuels liés à la difficile question des migrations et des drames humains qu’elles engendrent interpellent notre conscience et sens de la responsabilité collective et appellent à des réponses adaptées et durables.

A cet égard, le Gouvernement togolais engage toutes les parties prenantes à privilégier l’approche participative et la logique du consensus dans le processus des négociations en cours et à œuvrer avec détermination pour l’adoption, à l’issue de la Conférence de Marrakech des 10 et 11 décembre prochains, d’un Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

Vous conviendrez certainement avec moi que l’émergence des sociétés pacifiques, équitables, prospères et durables que nous appelons de tous nos vœux ne saurait être une réalité tangible si la priorité n’est pas donnée aux mécanismes de partenariats efficaces, innovants et mutuellement avantageux. Pour ce faire, l’ONU devrait, pour jouer pleinement le rôle de coordination qui lui revient, s’appuyer davantage sur les organisations régionales et sous-régionales dans les domaines de la paix et de la sécurité internationales et du développement.

Madame la Présidente,

A l’échelle africaine où se pose avec acuité le problème du développement, les gouvernants ont pris conscience de la nécessité d’accélérer le processus d’intégration régionale pour mutualiser les efforts de développement et les stratégies de lutte contre la pauvreté, comme le recommandent l’Agenda 2063 de l’Union Africaine et le Programme universel du développement durable. Plusieurs initiatives sont actuellement en cours pour renforcer davantage cette intégration.

A cet égard, le Togo se réjouit de la désignation de son Président (S. E. M. Faure Essozimna GNASSINGBE) par ses pairs pour le pilotage du projet d’établissement du Marché unique du transport aérien en Afrique (MUTAA), un instrument important d’intégration économique du continent. L’effort se poursuit pour mobiliser les Etats pour la signature de l’Engagement solennel en vue de la création dudit marché.

Sur la question de la paix et de la sécurité internationales, la priorité aujourd’hui nous enjoint de renforcer la coopération internationale en matière d’opérations de maintien de la paix et de lutte contre le terrorisme. Nous devons redoubler d’efforts pour en finir avec les conflits, notamment en Afrique et dans bien d’autres régions du monde.

C’est le lieu ici de saluer, à sa juste valeur, le rôle prépondérant que les Nations Unies ont toujours joué dans le monde à travers les différentes missions d’opérations de maintien de la paix, dont la majorité, malheureusement, concerne l’Afrique.

Il me plait de me féliciter, au passage, de l’accord de paix intervenu entre les parties prenantes de la crise au Soudan du Sud et de plaider pour la mise en œuvre des engagements pris pour une issue politique et définitive au conflit qui perdure dans ce pays.

En tant que membre du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine, nous estimons qu’une coopération davantage affermie entre les structures de maintien de la paix des Nations Unies et les mécanismes opérationnels de l’Union Africaine et des sous-régions est une impérieuse nécessité.

La résolution adoptée par l’Assemblée générale en juin dernier à l’occasion de l’examen biennal de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies nous rappelle cet impératif.

C’est à ce titre que le Gouvernement togolais se félicite de la tenue à Lomé, le 30 juillet 2018, à l’occasion du mandat du Togo à la Présidence en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, du premier Sommet conjoint des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) sur la paix, la sécurité, la stabilité et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.

Cette rencontre, première du genre sur le continent, organisée à l’initiative des deux sous-régions, a permis de créer un cadre d’échanges sur les conditions préventives et opérationnelles de préservation et de maintien d’une paix durable dans l’espace commun des deux communautés.

Madame la Présidente,

Pour permettre à l’ONU d’affirmer son leadership et de jouer efficacement et pleinement son rôle de garante de la paix et de la stabilité internationales, il est primordial de poursuivre et d’achever le processus de réforme du Conseil de sécurité. La réforme de notre Organisation ne sera complète que si elle passe aussi par la réforme du Conseil de sécurité.

La nouvelle approche axée sur une vision partagée des responsabilités recommande que les solutions aux problèmes de paix et de sécurité internationales soient l’apanage de tous les Etats membres des Nations Unies. Ainsi, le Conseil de sécurité élargi, dans le souci d’une représentation et d’une implication équitables de toutes les régions du monde, contribuerait à le rendre plus efficace dans l’accomplissement de son importante mission.

Bien que mon pays se réjouisse des consultations tenues au cours de cette année, qui ont permis aux Etats et aux groupes constitués de faire des propositions et d’enrichir les discussions, il y a lieu de s’interroger sur l’issue de ce processus de négociations qui visiblement piétine depuis 28 ans.

Madame la Présidente,

Au plan national, le Togo a inscrit son action dans l’engagement commun des membres des Nations Unies quant à la réalisation des objectifs du développement durable.

Il est question principalement pour le Gouvernement de faire du Togo un pays à revenu intermédiaire, économiquement, socialement et démocratiquement stable et ouvert aux sollicitations du monde. Le Programme National de Développement (PND) adopté récemment, qui est en cohérence avec l’Agenda 2030 du développement durable, la Vision 2020 de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ainsi que l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, ambitionne de transformer structurellement l’économie nationale pour une croissance durable, inclusive et résiliente.

Le Togo travaille à améliorer la qualité de vie de ses citoyens et à contribuer aux côtés des Nations Unies à réduire les poches de précarité dans notre monde en pleine transformation. A cet égard, je voudrais exprimer ma gratitude aux partenaires en développement qui se sont déjà manifestés pour accompagner mon pays dans cette ambitieuse et fastidieuse tâche.

Mesdames et messieurs,

Le développement durable promeut également le développement des droits humains. L’’instauration d’une société juste et libre est tributaire de l’édification d’un monde paisible et sûr.

A ce titre, le Togo poursuit résolument son processus de réformes constitutionnelles et institutionnelles en vue de consolider les acquis démocratiques et de garantir les droits et libertés à tous. Le Gouvernement, dans cette perspective, déploie des efforts pour une issue définitive et durable aux malentendus politiques que nous avons connus ces derniers mois, en continuant de rassembler la classe politique et la société civile autour des défis et des objectifs communs de paix, de progrès social et humain.

La CEDEAO dans un élan de solidarité régionale aide le Togo à conjuguer ses difficultés politiques. Cette institution noble, à travers la facilitation du Ghana et de la Guinée, a aidé la classe politique togolaise à s’entendre sur la recomposition paritaire de la Commission Electorale Nationale Indépendante en vue de la tenue programmée des élections législatives le 20 décembre 2018.

Madame la Présidente de l’Assemblée générale,

Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies,

Distingués délégués,

Mesdames et Messieurs,

Le Secrétaire général des Nations Unies, feu Kofi ANNAN, qui nous a quitté le mois dernier, et à qui nous rendons un hommage mérité et de reconnaissance pour son engagement admirable au service de la paix dans le monde, disait ceci le 24 septembre 2001: « La seule voie qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération et du partenariat. » C’est ensemble que nous allons pouvoir construire le monde que nous voulons laisser aux générations à venir.

Je vous remercie.

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