Les négociations vont durer deux ans pour déterminer le nouveau cadre
entre le groupe ACP et l’Union européenne. Robert Dussey, ministre des
Affaires étrangères du Togo, détaille ici l’organisation et les enjeux de
ces rencontres capitales pour l’avenir des deux parties.
Propos recueillis par Guillaume Weill-Raynal
Vous présidez, au nom du Togo, les négociations devant conduire à un nouvel accord de partenariat ACP-UE devant relayer l’accord de Cotonou. Quelle est la composition de l’équipe de négociation du groupe ACP ?
L’accord de Cotonou qui sous-tend actuellement le partenariat ACP-UE arrive à terme en février 2020. Selon cet accord, Les négociations en vue d’un nouvel accord de coopération doivent commencer dix-huit mois avant sa péremption. Chacune des deux parties (Union européenne, Groupe ACP) s’apprête à entamer les négociations et c’est dans cette perspective que le Groupe ACP a créé le Groupe central de négociation (GCN) et les Équipes techniques de négociation (ETN).
Le GCN a des attributions précises. Il est chargé, suivant la décision du Conseil des ministres du groupe ACP lors de sa 105e session tenue en mai 2017, de superviser et de guider le processus de négociation.
Il a également en charge les thèmes et questions transversaux inscrits dans le mandat de négociation du groupe ACP et a deux niveaux hiérarchiques de responsabilité, le niveau ministériel et le niveau des
ambassadeurs.
Pour revenir à votre question, le GCN que le Togo préside est composé de douze pays membres. Chacune des six régions du groupe ACP à savoir les Caraïbes, le Pacifique, l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est, l’Afrique australe et l’Afrique de l’Ouest est représentée dans le GCN par deux pays.
Les Caraïbes sont représentées dans le GCN par la Guyane et la Jamaïque, le Pacifique par Samoa et Papouasie-Nouvelle Guinée, l’Afrique centrale par le Cameroun et le Tchad, l’Afrique de l’Est par l’Éthiopie et le Kenya, l’Afrique australe par la Namibie et le Lesotho et l’Afrique de l’Ouest par le Nigeria et le Togo. Les douze pays membres du GCN ont chacun des suppléants régionaux qui les remplacent en cas d’indisponibilité ou de désistement. Si la responsabilité des négociations sur les thèmes et questions transversaux du mandat de négociation du Groupe ACP revient aux ambassadeurs représentants leurs pays dans le GCN, celle sur les piliers stratégiques du mandat revient aux ETN qui travaillent et rendent compte au GCN.
Le dispositif compte trois ETN dont la composition est axée sur les piliers tels que le commerce, investissement, industrialisation et service ; la coopération au développement, technologie, science et innovation ; le dialogue politique et plaidoyer. Les trois piliers stratégiques sont bien entendu facilement convertibles en piliers géographiques. Chacune des six régions du Groupe ACP est représentée dans chaque ETN.
Les Caraïbes sont représentés par la République dominicaine et Trinitéet- Tobago, dans l’ETN qui travaille sur Commerce, investissement, industrialisation et service ; par Grenade et Guyane dans l’ETN, qui travaille sur Coopération au développement, technologie, science et innovation et par Belize et Jamaïque dans l’ETN qui travaille sur Dialogue politique et plaidoyer.
Le Pacifique est représenté Papouasie- Nouvelle Guinée et Fidji, dans l’ETN qui travaille sur le pilier 1, par Samoa et Vanuatu dans celle qui travaille sur le pilier 2, et par Îles Salomon et Timor Leste. dans celle qui travaille sur le pilier 3.
L’Afrique centrale est représentée respectivement dans les trois ETN par le Cameroun et la Centrafrique, le Tchad et la République du Congo, le Gabon et la RD Congo ; l’Afrique de l’Est par Maurice et Tanzanie, Soudan et Somalie, Djibouti et Érythrée ; l’Afrique Australe par Afrique du Sud et Swaziland, Malawi et Zambie, Zimbabwe et Mozambique ; l’Afrique de l’Ouest par le Ghana et le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, la Gambie et la Guinée-Bissau.
Toutes les régions du Groupe ACP sont bien représentées dans le processus de négociations devant conduire à la signature d’un nouvel accord de partenariat entre l’Union européenne et les ACP
Les Africains vont-ils pousser pour renouveler l’approche des rapports entre l’Union européenne et les ACP ?
Absolument. Le monde a changé et les deux parties le savent bien. La coopération ACP-UE ne peut conduire au développement voulu et espéré par les ACP que si elle n’annihile pas leurs initiatives endogènes de développement, ne compromet pas, pour emprunter le mot à Amartya Sen, « les capabilités » des ACP par la désindustrialisation et le démantèlement de leurs économies.
Il est dans l’intérêt économique, stratégique, géopolitique, de l’Europe, que les ACP se développent. Penser le contraire serait un manque d’ambition et d’imagination.
La particularité du futur accord de partenariat ACP-UE réside dans sa structure. Il s’agira d’un accord composé d’un socle commun applicable à tous les membres du partenariat et de trois partenariats régionaux spécifiques révisables à intervalles réguliers. Les trois partenariats régionaux spécifiques à l’intérieur de l’accord dont il s’agira sont le Partenariat UE-Caraïbes, le Partenariat UE-Pacifique et le Partenariat UE-Afrique. Dans un schéma de ce genre, l’Afrique a la place qu’elle mérite et saura bien entendu choisir les éléments qui lui tiennent à coeur et qu’elle voudrait inscrire dans le nouvel accord de partenariat ACP-Union européenne
L’Afrique sera-t-elle en mesure d’intégrer ses priorités dans ces négociations où les thématiques sont déjà arrêtées?
Bien sûr ! Tout est possible dans le domaine des affaires humaines, voilà ma conviction. Comme je l’ai déjà dit, les ACP sont ouverts aux apports. Ils doivent rester ouverts et ceci pour la sérénité même du processus des négociations.
L’Afrique est libre d’enrichir le travail du Groupe central de négociation. Le GCN travaille pour tout le groupe ACP. Laisser la liberté à une partie du groupe ACP qu’est l’Afrique de définir ses priorités n’est pas incompatible avec le choix d’avoir un accord de partenariat post-Cotonou sous la bannière des ACP.
La nature du nouvel accord de partenariat à signer avec l’UE donne à l’Afrique la possibilité d’y intégrer ses priorités