Les enjeux géopolitiques de la migration au XXIe siècle : atout ou menace à l’équilibre mondial. Tel était le thème du débat organisé mardi soir à Lomé par le Club diplomatique de Lomé (CDL). Invité Damien Mama, le coordinateur du Système des Nations Unies (SNU) au Togo.
Le phénomène migratoire est d’ampleur mondial et constitue désormais une question internationale majeure. Il toucherait un être humain sur 7, si l’on additionne les 740 millions de migrants internes aux 214 millions de migrants internationaux comptabilisés par les Nations Unies.
Si les migrations sont le plus souvent associées aux déplacements des ressortissants des pays les plus pauvres vers les pays riches, la réalité est plus complexe. A l’échelle mondiale, un tiers des migrants se déplace des pays en développement (sud) vers les pays développés (nord) ; un tiers, du sud vers le sud ; et le dernier tiers du nord vers le nord.
Les raisons économiques n’en sont pas les seules causes. La migration témoigne de la mobilité grandissante des personnes et de la densification des réseaux transnationaux économiques, culturels, matrimoniaux et religieux.
La plupart des régions du monde sont concernées, soit par le départ, soit par l’accueil, soit par le transit des migrants ; certains pays l’étant par les deux, voire les trois à la fois.
Les mouvements migratoires se développent particulièrement le long des grandes lignes de fractures géographiques, qui séparent des régions aux caractéristiques politico-économiques fortement distinctes : la Méditerranée, la frontière américano-mexicaine, ou celle entre la Russie et la Chine. Ces lignes de fracture sont en constante évolution.
D’anciens pays de départ sont rapidement devenus des pays d’accueil : c’est le cas de l’Europe du sud. D’anciens pays d’accueil deviennent des pays de départ, en particulier en Amérique latine (Argentine, Brésil, Chili, Uruguay), tandis que d’autres Etats ont surtout vu progresser leur population de migrants en transit (Maroc, Mexique, et Turquie).
L’Afrique subsaharienne, dernière région du monde à accomplir sa transition démographique, devrait enregistrer une forte croissance démographique avec une multiplication par près de 10 de sa population entre 1950 (180 millions d’habitants) et 2050 (plus de 1,7 milliards selon les projections des Nations Unies).
Ce décuplement de la population est un réel enjeu, notamment pour les zones désertiques du Sahel et pour les pays enclavés et aux ressources naturelles limitées.
Les migrants peuvent contribuer de deux manières au développement de leur pays d’origine. D’une part, ils transfèrent une partie de leur revenu, ressource tant pour les ménages bénéficiaires que pour les Etats d’origine.
Ces transferts représentent plus de trois fois les budgets de l’aide publique au développement. Les montants des transferts vers les pays en développement sont en progression continue pour atteindre plus de 400 milliards de dollars en 2018 selon la Banque Mondiale contre 6 milliards en 1970.
D’autre part, les migrants transfèrent des ressources immatérielles, telles leurs compétences (intellectuelles, techniques ou relationnelles) et sur un pan plus large des normes (comme l’égalité des genres), des valeurs civiques (respect du cadre collectif).
Ces transferts sont déterminants pour le développement mais les données sont encore trop parcellaires pour en évaluer les impacts.
Les migrants ont également la capacité d’œuvrer au sein du pays d’accueil en apportant une vitalité économique et sociale en s’insérant dans des dynamiques collectives.
En ce sens, la migration peut être un atout, a souligné Damien Mama lors de son exposé.
Créé à l’initiative de Robert Dussey, le ministre des Affaires étrangères, le Club diplomatique de Lomé est un cercle de réflexion apolitique qui reçoit à intervalles réguliers des personnalités togolaises et étrangères issues du monde diplomatique, politique et d’organisations internationales.