Ministre des Affaires EtrangÚres, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
NĂ©gociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique

Prof. Robert Dussey

Ministre des Affaires EtrangÚres, de l'intégration Africaine et des Togolais de l'Extérieur - Togo
NĂ©gociateur en Chef du Groupe ACP pour le Post-Cotonou 2020 - Professeur de philosophie politique​

Fabius : ne pas subir le prix de l’inaction

‘J’ai priĂ© le prĂ©sident François Hollande de se faire l’avocat de la Centrafrique, de se faire l’avocat de l’Afrique, de façon Ă  ce que ce pays ne tombe pas dans l’oubli. J’ai dit qu’à mon avis, si la France ne prend pas le leadership, ne mobilise pas la communautĂ© internationale, nous risquons d’avoir un sanctuaire pour les terroristes en RCA. Et cela nous ne pouvons pas l’accepter’. Voici ce que dĂ©clarait le prĂ©sident du Togo, Faure GnassingbĂ©, lors d’une rencontre le 15 novembre dernier Ă  Paris avec son homologue français.

En Ă©cho, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius (photo), publie lundi une tribune consacrĂ©e Ă  la situation dans ce pays d’Afrique centrale.

La France, l’Afrique doivent intervenir. ‘Nous ne voulons pas, demain, payer et subir le prix, beaucoup plus lourd, de l’inaction’, Ă©crit M. Fabius.

Voici la tribune du ministre français des Affaires étrangÚres

Au cours de sa jeune histoire, la RĂ©publique centrafricaine a connu dĂ©jĂ  bien des heures sombres. Le pays affronte aujourd’hui sa pire crise. Dans cet État effondrĂ©, des pans entiers du territoire sont livrĂ©s Ă  la violence de bandes armĂ©es. Pillages, recrutement d’enfants- soldats, villages brĂ»lĂ©s, viols, exĂ©cutions sommaires : les populations civiles paient le prix fort. DĂ©jĂ  un habitant sur dix a dĂ» fuir son foyer. La mortalitĂ© infantile, trĂšs Ă©levĂ©e, s’aggrave encore. L’impact de l’instabilitĂ© sur l’agriculture vivriĂšre annonce une possible crise alimentaire. Le systĂšme sanitaire est dĂ©labrĂ© avec, localement, l’amorce d’épidĂ©mies et seulement sept chirurgiens pour cinq millions d’habitants. Le climat de peur se double de la menace imminente d’une catastrophe humanitaire.

Dans ce territoire potentiellement riche et terriblement pauvre, oĂč existait traditionnellement une certaine harmonie entre groupes et croyants des diverses confessions, voilĂ  que des tensions intercommunautaires et interreligieuses se dĂ©veloppent. L’hostilitĂ© entre chrĂ©tiens et musulmans est dĂ©jĂ  Ă  l’origine de nombreux morts. La spirale de haine opposant les habitants entre eux menace : il faut Ă  tout prix l’éviter.

S’ajoute Ă  ce tableau dramatique le risque de dĂ©stabilisation de toute la rĂ©gion. La RĂ©publique « centrafricaine » ne s’appelle pas ainsi par hasard : elle est au carrefour notamment de la zone des Grands Lacs, des deux Soudans, du Cameroun, du Tchad, du Congo. L’ensemble du continent aurait Ă  perdre si elle devenait le sanctuaire de groupes armĂ©s criminels ou terroristes. L’expĂ©rience nous apprend combien il est dangereux de laisser ainsi se dĂ©velopper des « zones grises », refuges de trafics et de groupes terroristes venus d’autres pays africains ou d’autres rĂ©gions du monde.

La gravitĂ© de cette situation a Ă©tĂ© soulignĂ©e dĂšs septembre par le prĂ©sident français devant l’Organisation des Nations unies. Les pays du centre de l’Afrique, l’Union africaine sont alertĂ©s et mobilisĂ©s. Ni l’indiffĂ©rence, ni l’inaction ne sont des options. Que faire ?

D’abord susciter l’engagement des Centrafricains eux-mĂȘmes. Les autoritĂ©s locales, mĂȘme transitoires, portent la responsabilitĂ© d’assurer l’ordre public, de protĂ©ger les populations civiles et de lutter contre l’impunitĂ©. Elles doivent remplir leurs engagements : conduire la transition politique, organiser des Ă©lections au plus tard dĂ©but 2015 comme le prĂ©voient les accords internationaux. De leur cĂŽtĂ©, les acteurs de la sociĂ©tĂ© civile centrafricaine, notamment les religieux, doivent continuer de se mobiliser en faveur de la paix civile. Ils ont besoin d’ĂȘtre soutenus, ainsi que nous l’avons soulignĂ© avec la commissaire europĂ©enne aux Affaires humanitaires, Kristalina Georgieva, Ă  l’occasion de notre rĂ©cent dĂ©placement conjoint Ă  Bangui.

Un engagement fort de la communautĂ© internationale est impĂ©ratif. Il passe par un soutien humanitaire immĂ©diat. L’Union europĂ©enne et les Nations unies s’y emploient. La France, Ă  elle seule, consacre plusieurs millions d’euros Ă  des actions humanitaires dans les domaines de l’alimentation et de la santĂ©. Ces efforts doivent accompagner l’action des organisations non gouvernementales, notamment centrafricaines, qui Ɠuvrent avec courage en faveur des plus Ă©prouvĂ©s.

Mais l’amĂ©lioration de la situation humanitaire est Ă©videmment insĂ©parable du rĂ©tablissement prioritaire et urgent de la sĂ©curitĂ©. Tous les acteurs, politiques comme humanitaires, partagent ce constat. L’Afrique est en premiĂšre ligne et elle a commencĂ© Ă  intervenir. D’abord, les pays voisins et toute la rĂ©gion : en juillet, l’Union africaine a dĂ©cidĂ© de dĂ©ployer une force africaine, la Mission internationale de soutien en Centrafrique (Misca), que la France soutient et soutiendra. La communautĂ© internationale doit accompagner la montĂ©e en puissance de cette force, dans tous les domaines, y compris en assurant son financement. La rĂ©solution 2121 du Conseil de sĂ©curitĂ© adoptĂ©e Ă  l’unanimitĂ© le 10 octobre constitue une premiĂšre Ă©tape. Cette dynamique doit ĂȘtre amplifiĂ©e par un engagement collectif fort, Ă  New York, Ă  Bruxelles et Ă  Addis-Abeba, de la part de tous les partenaires qui ont Ă  cƓur le sort de ces millions de femmes, d’hommes et d’enfants. Le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations unies vient de faire rapport au Conseil de sĂ©curitĂ© sur les choix Ă  faire. Une nouvelle rĂ©solution de l’Organisation des Nations unies est imminente, tournĂ©e vers l’action.

La France, avec l’Union africaine, a fait de la mobilisation internationale en faveur de la RĂ©publique centrafricaine une prioritĂ©. Il s’agit, tout en Ă©vitant les erreurs du passĂ©, de prĂ©venir une situation dramatique et d’accompagner les Centrafricains et leurs partenaires africains dans leurs efforts pour la RĂ©publique centrafricaine. Nous ne voulons pas, demain, payer et subir le prix, beaucoup plus lourd, de l’inaction. La France sera au rendez-vous. Dans le respect du droit et avec ses partenaires, notamment europĂ©ens, elle agira afin que, un an aprĂšs le dĂ©clenchement de la rĂ©bellion, la RĂ©publique centrafricaine puisse reprendre espoir.

Laurent Fabius

Publié le 25/11/2013

Source: http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Diplomatie/Fabius-ne-pas-subir-le-prix-de-l-inaction

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